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Du creux de la vallée à la ville industrielle.


Cette phrase de Raymond Guidot est elliptique. À quoi fait-il référence en comparant les possibilités d’implantation de la machine à vapeur et de la roue à aube ?
Lewis Mumford (La cité à travers l’histoire) et Michel Ragon (Histoire de l’architecture et de l’urbanisme moderne) nous éclairent.

« Au début du machinisme, les industriels installèrent leurs ateliers dans les campagnes afin de trouver des ouvriers qui ne soient pas liés aux règles des corporations. Ils obtenaient ainsi des employés sans défense, prélude du prolétariat futur.
(…)
À partir de la machine à vapeur, les filatures et petites industries diverses, éparpillées dans les campagnes, vont se regrouper autour de la cité carbonifère productrice de la source d’énergie. L’ouvrier sera coupé de son terroir. Il ne lui sera plus possible de faire alterner travaux des champs et ceux de l’atelier. »
Michel Ragon, Histoire de l’architecture et de l’urbanisme moderne, Tome 1, Idéologies et pionniers, 1800-1910, Casterman, 1986, p. 26.

« L’utilisation de l’énergie hydraulique favorisait l’installation de fabriques dans des régions montagneuses parcourues de torrents et comptant de nombreuses chutes d’eau, et dans les sites les plus favorables s’installaient des usines importantes, avec quatre ou cinq étages d’installations mécanisées.
(…)
Il fallut attendre presque deux siècles, du XVIè au XVIIIè siècle, pour que ces éléments favorables débouchent sur un processus d’agglomération urbaine. Car les avantages commerciaux de la ville compensaient les avantages industriels des usines installées dans les villages, bénéficiant de la main-d’œuvre et d’une énergie à bon marché. Jusqu’au XIXè siècle, l’industrie demeurait encore largement décentralisée : petits ateliers d’artisans ruraux, communes industrielles comme Sudbury, et centres provinciaux comme Worcester en Grande-Bretagne.
(…)
La perspective change avec la machine à vapeur de Watt ; celle-ci permettait notamment de réaliser des concentrations beaucoup plus denses d’industries et de travailleurs ; et l’ouvrier allait être éloigné de son foyer rural et de son potager qui pouvait lui assurer encore une parcelle d’indépendance. Cette nouvelle énergie renforçait l’importance des gisements charbonniers et nourrissait l’industrie sur place ou à des emplacements accessibles par rail ou par canaux.
L’utilisation de la puissance énergétique de la vapeur exigeait des installations importantes au voisinage immédiat de la centrale motrice et dans un rayon maximal de quatre cents mètres.(…) L’industrie tendit alors au gigantisme. »
Lewis Mumford, La Cité à travers l’histoire, Agone, 2011 (1961), p. 654-655.

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