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Petite étymologie du mot “design”

Comprendre d’où vient le mot design, comment il s’est peu à peu imposé dans des langues différentes permet de comprendre l’ambiguïté qu’il recouvre entre forme et conception et pourquoi on entend parfois parler de design « au sens français du terme ».

Le mot design vient du latin « designare » qui signifie « marquer d’un signe, dessiner, indiquer ».

À la renaissance, en Italie le « disegno » devient l’un des concepts majeurs de la théorie de l’art. Plus précisément, il apparaît en architecture, au moment du Quattrocento pour faire face à l’augmentation de la complexité dans les projets de construction. C’est à ce moment là que sa définition associe les sens de « dessein » et « dessin » puisqu’il désigne alors une méthodologie de l’anticipation de l’œuvre à réaliser.
Ce terme et son sens est alors directement repris En Angleterre, au XVIIè siècle, et introduit dans la théorie de l’art. Il est utilisé pour la première fois dans son sens moderne par Henry Cole, en 1848.
Le français, quant-à lui refuse encore d’adopter ce terme.
À la même époque, le mot n’est pas directement repris dans la langue française mais traduit par le mot « dessein » qui recouvre toujours les deux notions de l’idée et de sa représentation. Mais peu à peu, dessin et dessein vont se disjoindre et ce dernier se trouve vidé de son sens de représentation pour ne recouvrir que la notion d’intention. Il n’existe donc plus de mot qui désigne les deux notions à la fois et à l’Académie des Beaux-Arts, on n’enseigne plus que le « dessin ».
Le mot design, qui existe alors en anglais, n’est pas repris tel quel, mais connaît des traductions successives : « arts industriels » au XVIIIè siècle, « art appliqués » au début du XXè siècle. Cette façon de le traduire qui intègre directement la notion d’art, explique, en France plus qu’ailleurs, sa prise en charge historique et théorique par le champ de l’art.
Dans l’après-guerre, le designer industriel Jacques Viénot propose « esthétique industrielle » un équivalent de « l’industrial design » popularisé par Raymond Loewy aux États-Unis.
Il semble qu’en France, le terme « design » commence à se répandre dans le milieu des années 60 sans toutefois être un terme institutionnel puisque d’autres propositions pour le remplacer sont faites par la suite : « création industrielle » (cf ENSCI, créée dans les années 80) jusqu’à l’initiative avortée de l’INSEE en 2010 de remplacer « design » et « designer » de sa nomenclature des métiers par le trop réducteur « concepteur » et « conception » ((traduction littérale de l’anglais) en passant par l’absurde « stylique » et « stylicien » proposé par Jacques Toubon en 1994.

Ces écarts étymologiques ne sont pas sans conséquences sur le sens contemporain du mot et sur la façon d’envisager la pratique du design en France et ailleurs.

« Si d’aucuns considèrent que « design » vient du français « dessigner » ou « desseigner » qui, jadis, signifiait à la fois montrer, indiquer, dessiner, c’est néanmoins en référence à un usage anglo-saxon qu’il s’est imposé en France au cours des années soixante. En français, le terme n’a cependant pas tout à fait le même sens qu’en anglais, où, sans autre précision, il concerne un certain état d’esprit, une manière d’aborder la « conception » d’un objet nouveau. Ainsi les Anglo-Saxons l’utilisent-ils aussi bien pour désigner les produits de l’artisanat que pour ceux de série fabriqués en usine : appareils, machines, véhicules, meubles, outils, ustensiles, vêtements, mais également tissus, papiers peints, imprimés, affiches, etc., sans oublier, lorsque leurs éléments sont préfabriqués en atelier, les bâtiments et les ouvrages d’art. Pour préciser le secteur auquel le terme se réfère, les Anglo-Saxons lui adjoignent, de toute manière, un adjectif, et parlent alors de « product design », de « graphic design », de « shelter design », etc.
En France, dans un premier temps, lorsqu’il prend la relève « d’esthétique industrielle », le terme concerne essentiellement le domaine de « l’industrial design », et plus spécifiquement la production de série en usine des objets de consommation. Rapidement, il va pouvoir devenir synonyme de recherche stylistiquement innovante — pouvant aller jusqu’à un effet de mode — et sera alors plus nettement lié au mobilier et à l’architecture intérieure. Dans une large mesure, c’est ainsi qu’il est encore perçu aujourd’hui. »

Raymond Guidot, Histoire du design de 1940 à nos jours, Hazan, 2004, p. 11-12.

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