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Henry Petroski, « The succes story of the Crystal Palace », 1985.

Henry Petroski, « La succes story du Crystal Palace », in La conception est humaine, le rôle de l'échec dans une conception réussie, New York, St Martin's Press, 1985. (« The succes story of the Crystal Palace », in To Engineer is Human, The role of failure in successful design).

La référence de ce texte apparaît en note dans Design, Introduction à l'histoire d'une discipline d'Alexandra Midal, p. 34.

Où l'on apprend que le Crystal Palace est issu du biomorphisme, que c'est Owen Jones qui a dirigé sa décoration, et (peut-être) pourquoi la "serre à concombre".

Texte original

Traduction partielle.


La conception est humaine.
Le rôle de l’échec dans une conception réussie.

La success story du Crystal Palace

L’innovation dans l’ingénierie, comme dans tout autre domaine, implique des risques et produit des erreurs. Mais cela ne signifie pas que l’innovation mène nécessairement à l’échec. Parce qu’il y a toujours eu de magnifiques projets qui ont prouvé que les défaitistes avaient tort ou qui osaient de nouvelles pistes de conception, les ingénieurs d’aujourd’hui n’agissent pas de manière irresponsable quand ils souhaitent utiliser un matériau qui n‘a jamais été expérimenté ou une structure pour construire des ponts plus longs ou un gratte-ciel plus haut que tous les autres. Ils suivent simplement la voie ouverte par les grands constructeurs du milieu du XXè siècle qui ont osé créer des édifices qui surpassaient leurs concurrents. L’une des structures les plus ambitieuse et innovante de l’ère Victorienne ne fut ni un pont ni une tour mais un vaste bâtiment construit pour abriter l’Exposition Universelle de Londres en 1851. L’histoire du Crystal Palace est l’une de ces histoires fascinantes que l’on aime toujours raconter parce qu’elle montre que ce qui importe n’est ni le degré d’innovation d’une structure ni le nombre de ses concurrentes mais le fait d’être érigée et expérimentée.

Joseph Paxton est né en 1801. Il est le fils d’un fermier du Bedforshire. Il fut employé dans sa jeunesse comme jardinier par le duc du Devonshire avant de devenir en 1826 le superintendant des jardins de Chatsworth, propriété du duc du Derbyshire. Paxton disposait aussi d’un talent particulier pour la conception de structures. En 1840, il construisit une serre qui couvrait plus d’un acre (environ 4000 m2 de terre). Cette serre, aussi connue sous le nom de « Great Conservatory » était considérée comme une merveille de son temps et Paxton fut complètement reconnu en tant qu’ingénieur quand l’esprit, sinon le nom, de sa grande serre servit de modèle pour la Palm House de Kew Garden, le jardin botanique royal près de Londres ainsi que pour toutes les autres structures qu’il continua de créer.

Joseph Paxton, Great Stove ou Great Conservatory, Chatsworth, 1841.

Paxton commença par installer une bouture de nénuphar venant de Kew Gardens dans l’un des réservoirs d’eau chaude de Chatsworth. La graine avait été rapportée de Guyane britannique en 1837 mais la plante ne poussait pas bien à Kew. Sous les soins de Paxton, la plante développa pourtant les immenses feuilles et les magnifiques fleurs caractéristiques de cette variété de nénuphars. Il nomma la fleur “Victoria regia” (plus justement nommée aujourd’hui Victoria amazonica, comme elle l’avait été avant l’intervention de Paxton) et offrit un de ses bourgeons à la reine.

Comme les nénuphars continuaient de grandir, Paxton leur construisit un bâtiment dont le dessin s’inspirait des feuilles de la plante elle-même. Il fit un jour la démonstration de la solidité de la structure à nervures en plaçant sa petite fille sur l’une des feuilles flottantes qui mesurait près d’un mètre cinquante de diamètre. La feuille supporta facilement le poids de l’enfant et ne coula pas. Il devint dès lors à la mode dans l’ère victorienne de se faire photographier sur l’une de ces feuilles géantes de nénuphar dont les bordures caractéristiques les font ressembler à des moules à tarte géants.

Paxton remarqua que les larges feuilles devaient leur solidité et leur rigidité à une trame géométrique de nervures entrecroisées situées sur sa face cachée, dont il se servit comme modèle. Il en résultat un abri à nénuphars à Chatsworth mesurant un peu plus de 47 pieds* de long sur 60 pieds* de large (environ 3000 pieds carrés*) , surmonté d’un toit de verre reposant sur des poutrelles en bois réparties sur des poutres en fer soutenues par des colonnes en fer. C’est peut-être ce bâtiment léger et aérien qui a inspiré l’idée du Crystal Palace, qui mesurait environ 122 mètres sur 550 ( près de 70 000 m2) et qui abrita les 100 000 exposants de la Great Exhibition of the Works of Industry of All Nations, reconnue comme la première grande foire internationale.

* environ 14 m.
* environ 18 m.
* environ 260 m2

Tout comme le monde du commerce était prêt au milieu du siècle pour la première exposition internationale des productions de l’industrie, le monde de la technologie était prêt à construire le Crystal Palace. Le gouvernement britannique avait abrogé l’impôt centenaire sur le verre en 1845, éliminant tout obstacle fiscal à l’utilisation des près de 300 000 panneaux de verre pour le bâtiment. Le Royaume-Uni produisait environ cinq millions de tonnes de fonte et de fer forgé par an, plus de 1000 fois la quantité requise pour le bâtiment, pour lequel les 4500 tonnes nécessaires restaient néanmoins une énorme quantité. Et, bien que l’échelle du Crystal Palace était en effet importante, l’expérience technique acquise pour le développement du système des chemins de fer britanniques, qui comprenait des centaines de ponts en fer, avait produit les connaissances nécessaires sur la solidité des matériaux qu’il fallait employer pour envisager des conceptions audacieuses (même si à la même époque la construction des ponts connaissait des taux d’échec suffisamment alarmants pour qu’une Commission royale ait été chargée d’enquêter sur l’utilisation du fer comme matériau technique, ils semblaient avoir suffisamment confiance dans l’usage de ce matériau pour la construction de grandes structures statiques qui ne seraient pas soumises au martèlement des roues du chemin de fer et aux charges de plus en plus élevées des matériels roulant). Néanmoins, le Crystal Palace ne devint le bâtiment de la Grande Exposition qu’à la toute dernière minute.

Henry Cole, un fonctionnaire et mécène dont l’énergie et la curiosité sans failles avait fait une force motrice de l’architecture et du design industriel victoriens, avait d’abord proposé d’organiser une exposition d’envergure internationale présentant des applications artistiques dans l’industrie. Contrairement à son contemporain John Ruskin, qui ne regardait pas d’un œil favorable les produits ordinaires de la révolution industrielle, la vision de Cole consistait à combiner les beaux-arts et l’industrie. Cette idée était bien une extension naturelle des opinions qu’il avait exprimées lors de la création de la Royal Society of Arts en 1847 :

« Le grand art est abondant dans ce pays, l’industrie mécanique et l’invention d’une profusion hors-pair. La seule chose qui reste à faire est d’effectuer la combinaison des deux, de marier l’art avec l’habileté technique. »

Le Prince Albert a immédiatement accepté l’idée d’une Grande Exposition et agrée le fait que Hyde Park était le meilleur site. Au début de l’années 1850 le prince devint président d’une Commission Royale destinée à soutenir le projet, et un comité chargé du bâtiment fut rapidement nommé. Ce comité envisageait une structure temporaire d’environ 16 acres* et annoncèrent l’ouverture d’un concours. Cependant, le Comité n’estima aucun des 245 projets recevable et décida de les récupérer pour produire son propre projet. Le résultat du « chameau » du Comité fut publié dans le Illustrated London News en Juin et immédiatement balayé par le Times.

* environ 65 000 m2

Source [http://www.victorianweb.org/history/1851/7.html]

Les critiques décrivirent le bâtiment comme un « énorme tas de maçonnerie » qu’ils redoutaient de ne pas pouvoir être enlevé et de devenir une « mutilation permanente de Hyde Park ». En effet, le mastodonte disproportionné du comité aurait nécessité la pose de 15 millions de briques et la construction d’un dôme de 60 mètres de diamètre, soit considérablement plus large que celui de la Cathédrale St Paul. Le mortier n’aurait pas eu le temps de sécher avant l’ouverture de l’exposition moins d’un an plus tard.

Pendant ce temps, l’exposition elle-même et son emplacement était débattus au Parlement. Des opposants xénophobes craignaient les effets néfastes de la concurrence étrangère sur les ventes des biens britanniques, alors que d’autres avançaient des arguments moins commerciaux comme le surpeuplement, les nuisances sonores ou les maladies. Un des opposants les plus virulents était le Colonel Charles Sibthorp, un protectionniste qui s’était aussi opposé au Public Libraries Act de 1850 parce que, parmi d’autres raison, il « n’aimait pas lire du tout. » L’une de ses objections les plus connues était que le site de l’exposition recouvrait un petit groupe d’ormes qui devraient être coupés. Mais la raison prévalait au Parlement et les protestations du colonel Sibthorp et de ses sympathisants furent vite écartées, bien que la question des impacts environnementaux ne disparut jamais complètement.

Paxton ne participa pas au premier concours parce qu’il tenait pour acquis que le comité parviendrait à sélectionner un projet approprié sans son aide. Mais, déçu par les projets proposés, qui faisaient plus ou moins l’objet d’une discussion publique, il se demandait s’il était trop tard pour faire valoir une idée. Bien qu’il n’ai approché les membres du comité d’exposition qu’une quinzaine de jours avant que le choix final ne soit officiellement annoncé, Paxton les persuada d’accepter une nouvelle proposition. Il fut officiellement engagé le 11 juin 1850 et Paxton quitta Londres le jour même pour le Détroit de Menai au Pays de Galles afin de voir la troisième poutre tubulaire du Britannia Bridge. C’était pendant une réunion de conseil d’administration, à laquelle il assistait quand il était loin de Londres, qu’il se mit distraitement à penser à un bâtiment pour la Grande Exposition et qu’il dessina sur un buvard le fameux croquis qui devait devenir le Crystal Palace.

Source [http://www.victorianweb.org/history/1851/8.html]

Pendant la semaine qui suivit, avec l’aide Peter Barlow, un ingénieur des chemins de fer, il dimensionna les colonnes et les poutres et acheva le projet. Quand Paxton le montra à Robert Stephenson, un ingénieur des Ponts qu’il rencontra sur le chemin du retour vers Londres, ce dernier se montra enthousiaste.

Au début, le comité du bâtiment prit de haut la nouvelle proposition, mais elle trouva peu à peu ses partisans et, après qu’un premier rendu de projet ait été prématurément publié dans le Illustrated London News le 6 juillet, le comité abandonna rapidement le sien et adopta à l’unanimité le concept « ferro-vitré », de verre et de métal, de Paxton. Les avantages du bâtiment étaient entre autres son extrême simplicité, la vitesse à laquelle il pouvait être assemblé, son absence de murs internes et le fait que l’on pouvait réutiliser les matériaux. Les avantages économiques d’un coût de construction bas et un fort taux de récupération ont fini d’arrêter définitivement le décision (et en effet, la Grande Exposition — contrairement à la quasi-totalité des foires internationales ultérieures — fit un profit conséquent, certainement dû en partie à la rentabilité économique et à la facilité de construction du Crystal Palace).

Cependant, comme le sort des ormes de Hyde Park continuaient à menacer le projet, Paxton ajouta à son projet original un transept central qui pourrait contenir les arbres hauts d’une trentaine de mètres. La construction commença même sans l’accord de l’entrepreneur, la Fox, Henderson and Co et le contrat ne fut signé qu’un mois plus tard. Le prix conclu avec le fournisseur de matériaux pour la construction et le démantèlement du bâtiment fut de 79 800 £. Le coût final du Crystal Palace, incluant les modifications comme le transept et les autres ajouts, fut de 200 000 £. Malgré tout, ce projet qui revenait finalement à 25 £ pour 10m2, restait une bonne affaire même au milieu du XIXè siècle.

Les ouvriers clôturèrent le site de construction en août, avec les planches de bois qui servirent plus tard aux sols et aux balcons. L’achèvement du projet fut programmé pour janvier 1851, ce qui laissait seulement un peu plus de 20 semaine pour enceindre, à l’aide d’énormes quantités de métal et de verre, une surface d’exposition qui devait atteindre plus de 90 acres*. Après le nivellement du sol et l’implantation des fondations et des tuyaux d’écoulement, la première colonne fut érigée le 26 septembre. La construction se fit rapidement, éclairée par la lumière de grands feux la nuit. Paxton raconta avoir vu un samedi deux hommes monter deux colonnes et trois poutres en seulement seize minutes. Ce qui allait devenir le premier grand bâtiment en métal et verre vraiment important fut érigé en seulement dix-sept semaines !
* Environ 70 000 m2

La régularité mathématique des proportions du Crystal Palace a grandement facilité sa construction. Paxton en avait déterminé l’unité de longueur de base non pas sur l’esthétique d’un quelconque « nombre d’or » mais à partir des besoins de l’espace d’exposition et d’une contrainte technologique fondamentale : en 1850, les panneaux de verre qui excédaient une longueur de quatre pieds*, étaient non seulement très coûteux à fabriquer mais aussi difficiles à installer. Des panneaux mesurant 4 pieds* furent donc montés en toiture suivant un schéma de sommets et de creux en pente douce, non seulement plaisant à l’œil mais qui assuraient aussi un drainage très efficace.

Glazing the Roof. The Illustrated London News (December 1850): 396. Source: An Internet Archive online version of a copy in the University of Michigan Library. Source [http://www.victorianweb.org/history/1851/construction/11.html]

Pour simplifier la construction, les ouvriers installaient les panneaux de verres en se déplaçant dans des chariots dont les roues étaient guidées par les rainures des « gouttières Paxton ». Ces dernières étaient installées dans les creux du toit pour drainer la pluie et la condensation vers les colonnes en métal creuses qui faisaient aussi office de tuyau de descente. Les gouttières étaient placées tous les 8 pieds*, selon une longueur dictée par l’espace entre deux panneaux de verre correctement inclinés. 24 pieds*, soit environ trois fois cette dimension, a donné la longueur appropriée des poutres en fonte, ainsi que les intervalles des colonnes de fer qui les supportaient. La longueur de 24 pieds devint donc l’unité de base de l’intégralité du plan du Crystal Palace.

* Environ 1,2 m.
* Environ 2,4 m.
* Environ 7,2 m.

De larges « avenues » intérieures qui étiraient encore la longueur du bâtiment étaient traversées par des poutres en fer forgé de 48 pieds* de long. La spectaculaire Avenue Centrale était elle traversée par des poutres trois fois plus grandes, soit 72 pieds* de long. Le transept central voûté était lui aussi large de 72 pieds. Cette régularité géométrique stricte et simple a sans doute contribué à l’élégance du bâtiment, comme le font les unités fondamentales des panneaux de verre ou de marbre en façade des architectures modernes. Les soixante-dix-sept unités de vingt-quatre pieds alignés sur la façade du Crystal Palace étaient suffisamment nombreux pour que l’oeil consciencieux et précis de la plupart des observateurs ne se rende pas compte que le transept central n’était pas central du tout, mais décalé d’une unité pour s’accommoder des ormes du Colonel Sibthorp.

* Environ 15 m.
* Environ 22 m.

La profondeur inhabituelle des poutres – environ 3 pieds* – ajoutait à l’élégance du Crystal Palace quand un visiteur baissait les yeux sur l’une des longues avenues. Selon l’habitude de Paxton, cette caractéristique esthétique servait aussi des fins structurelles : fixer les poutres aux colonnes porteuses non seulement à leur sommet mais aussi à leurs pieds relativement profond leur conférait une rigidité qui permettait de lutter efficacement contre le vent et autres forces latérales. L’avantage structurel des poutres profondes peut être apprécié en comparant la fragilité d’une table pliante à pieds fins avec une vieille table de cuisine dont le plateau est supporté par de profondes traverses en bois solidement fixées à des pieds solides sur toute leur longueur.

* Environ 1 m.

Les techniques de construction, ainsi que la conception du bâtiment ont aussi accéléré le progrès. Par exemple, les ouvriers utilisaient des machines spécifiques conçues par Paxton pour couper simultanément plusieurs meneaux dans une même planche, tout en les rainurant et les biseautant. Les ouvriers utilisaient des scies circulaires pour biseauter et tailler des encoches dans les meneaux, qui permettaient de tenir en place les panneaux de verre, et perçaient les trous des clous avec des foreuses rotatives à vapeur.

The Gutter-Cutting Machine. The Illustrated London News (7 December 1850): 433. Source: An Internet Archive online version of a copy in the University of Michigan Library. Source [http://www.victorianweb.org/history/1851/construction/3.html]

600 000 pieds carrés* de bois de charpente ont été en tout utilisés pour le Crystal Palace, en plus des 24 miles de gouttières de Paxton.

* Environ 56 000 m2

Accroître l’échelle d’une chose, depuis celle d’un assez modeste abri à lys jusqu’à un immense bâtiment d’exposition peut être une entreprise assez délicate, car en ingénierie comme dans la nature, plus grand n’est ni forcément mieux ni forcément une bonne idée. En plus des environnementalistes qui craignaient la confiscation de Hyde Park, les officiels de santé qui s’inquiétaient des normes sanitaires et des maladies et d’autres qui redoutaient les incendies et les crimes et s’inquiétaient du confort des millions de visiteurs attendus à la Grande Exposition, il y avait ceux qui pensaient que la structure elle-même n’était pas sûre. Quand le roi de Prusse demanda s’il était sûr de visiter Londres pendant la Grande Exposition, la Prince Albert lui écrivit une ironique lettre lui recommandant la prudence. Il lui rapporta toutes les pires prédictions et confessa que « les mathématiciens avaient calculé que le Crystal Palace s’écroulerait au premier coup de vent et les ingénieurs que les balcons s’écraseraient sur les visiteurs ».

Bien que les questions concernant la solidité et la stabilité du Crystal Palace se posaient dès le début, sa conception et sa construction ne firent aucun compromis avec la sécurité.

[détails techniques de construction]

Les critiques se poursuivirent malgré tout pendant la construction et les détracteurs affirmaient que le vent et la grêle allaient briser cette boîte de verre, ou que la chaleur et l’humidité allaient la rendre insupportable pendant l’été londonien. Rien de tout cela n’arriva, juste une parodie dans Punch, qui défendait en général le bâtiment qu’il avait lui-même baptisé le Crystal Palace, un article mordant raconté par un concombre qui savait à quoi ressemblait une serre par une chaude journée de juillet. Mais le Crystal Palace résista à tous ces éléments et se révéla aussi frais (grâce à des toiles suspendues au plafond et à des persiennes sur les parois) et sec (grâce aux gouttières Paxton) que possible. Mais, les oiseaux de mauvais augure persistaient et disaient que si ce n’étaient pas les forces de la nature qui détruiraient le Crystal Palace, la masse des visiteurs s’en chargerait.

Des balcons avaient été prévus pour offrir 200 000 pieds carrés* supplémentaires de promenade et d’espace d’exposition, mais ces passages surélevés avaient été accusés d’être dangereux des mois avant l’ouverture de la Grande Exposition. Après tout, à la même époque, les ponts de chemin de fer étaient inutilisables une fois sur quatre, et les ponts suspendus s’écroulaient sous les défilés militaires. La sécurité des balcons du Crystal Palace devait encore être démontrée. Afin de les tester, une section de 24 pieds carrés* de balcon fut construite juste à côté sur quatre poutres en fonte. Des passerelles inclinées en bois permettaient d’aller sur le plancher de test. La Reine Victoria, lors de l’une de ses tournées d’inspection, assista avec ses proches au test suivant, tel qu’il fut rapporté dans le Illustrated London News le 1er mars 1851.

[description des tests]

* environ 18 500 m2.
* environ 2 m2

Le balcon de test résista à tout, et L’Illustrated News formula l’espoir que les craintes à propos de la sécurité du bâtiment avaient « à cette heure, été complètement rayées des esprits de ceux qui étaient allés assez loin pour prédire que le 1er mai ne pourrait être que fatal aux milliers de personnes qui entreraient dans l’immense palais industriel »

[…]

Le Crystal Palace n’était pas seulement unique pour ses détails structurels mais aussi pour son entretien et sa décoration. Le sol, par exemple, était composé de planches espacées entre elles de manière à ce que les saletés et les débris puisse tomber ou être balayés dans les fentes, préservant ainsi une promenade propre et soignée. Les machines-balais, qui avaient été conçues au départ pour repousser la poussière dans les espaces entre les planches, se sont révélées inutiles car les robes des femmes atteignaient le même but. Des garçons de petite taille étaient employés pour ramper sous le plancher afin ramasser les morceaux de papier qui se seraient sinon accumulés et auraient pu provoquer des incendies.

Tous les détails ornementaux et décoratifs du bâtiment ont été dirigés par Owen Jones, connu sous le nom de « Alhambra » Jones en raison de sa grande connaissance de l’architecture Maure. Jones applique sa « science de la couleur » à la peinture des éléments structurels. Ses contemporains n’ont pas unanimement approuvé le résultat, mais il est difficile d’en juger aujourd’hui parce que les représentations originales colorées à la main sont aujourd’hui toutes effacées. Cependant, les couleurs ont souvent été décrites dans des textes.
Le bleu clair était la couleur prédominante des ferronneries verticales intérieures, ce qui devait considérablement améliorer la sensation d’espace. La face inférieure de chaque poutre était peinte en rouge vif, une couleur reprise sur les panneaux contre lesquels se tenaient de nombreuses expositions. Le jaune était utilisé sur les détails moulés et rehaussait les portions cannelées des colonnes bleues. L’ensemble devait donner une palette assez éclatante. Une autre touche de couleur fut ajoutée à l’extérieur au moyen des drapeaux de tous les pays implantés tout autour de la périphérie du toit (c’était une idée de Sir Charles Barry, l’un des organisateurs de la Grande Exposition). Les drapeaux avaient l’avantage de judicieusement briser la ligne droite monotone du long toit.

Un autre exemple de l’attention aux détails de Jones était une horloge électrique dont le cadran mesurait 24 pieds de diamètre qui était située au dessus l’entrée sud du transept central. L’horloge aurait pu écraser et défigurer le transept si Jones n’avait pas abandonné l’arrangement circulaire traditionnel des heures pour un cadran qui exploitait le design du transept lui-même. Les chiffres étaient disposés en demi-cercle sur les composants structurels rayonnants du transept. À la place de l’aiguille qui fait le tour du cadran en douze heures, l’horloge avait un aiguille (en réalité deux aiguilles) qui ressemblait à une hélice. Elle faisait le tour du cadran toutes les vingt-quatre heures, l’une des pâles de l’hélice indiquant l’heure à n’importe quel moment. L’aiguille des minutes fonctionnait de la même manière.

Si tout ne fonctionnait pas aussi bien que l’horloge au Crystal Palace, on s’en souvient à peine. Tout comme nous ne nous souvenons que des échecs d’une conception ratée, oubliant ce qui aurait pu être ses innovations réussies, nous ne semblons n’avoir que des bons souvenirs d’une conception réussie. « Il a construit un bâtiment plus sage qu’il ne le croyait », écrivit le journaliste Horace Greeley à propos de Joseph Paxton, et le succès du Crystal Palace semble avoir dépassé les attentes et les espoirs de chacun. Le bâtiment lui-même a volé la vedette à la myriade de produits manufacturés exposés.

Le 1er mai 1851, la Reine Victoria inaugura la Grande Exposition en grande pompe devant une assemblée formée de nombreux officiels étrangers et de fonctionnaires. Plus de six millions de personnes visitèrent l’expositions pendant ses 141 jours d’ouverture (elle était fermée chaque dimanche). Le record d’affluence pour une journée fut de 100 000 visiteurs, avec 90 000 personnes dans le bâtiment en même temps. Les balcons n’ont apparemment jamais tremblé et il n’y eu aucune inquiétude à propos de la sécurité du bâtiment. La reine elle-même se rendit au Crystal Palace près de 15 fois avant que la Grande Exposition ne ferme le 15 octobre 1851 et ne sembla jamais se lasser de passer des heures à faire méthodiquement le tour des expositions. (…).

Bien que le Crystal Palace était supposé être démantelé après l’exposition afin de redonner à Hyde Park son état initial, des officiels ont sérieusement considéré le fait de le laisser là où il était. Certains souhaitaient transformer la structure en « jardin d’hiver » où l’on pourrait faire du cheval et se promener parmi les fleurs pendant les mornes journées de l’hiver londonien. Les coûts inhérents à la transformation du bâtiment en un bâtiment permanent à Hyde Park et ceux de son démantèlement et de sa reconstruction ailleurs furent comparés en détail. Mais le Colonel Sibthorp, se rappelant peut-être des ormes à l’extérieur du transept qui avaient dû être coupés, s’opposa à son installation permanente. De nombreuses propositions de localisations possibles furent formulées.

Parmi les propositions les plus audacieuses de réutilisation des colonnes et des poutres se trouvait la Prospect Tower, qui devait mesurer 1000 pieds* de haut. Cette tour aurait très certainement été très économe du point de vue de son occupation au sol, ainsi que son concepteur le fit remarquer. La tour aurait arboré une horloge de 45 pieds* de diamètre aux chiffres de 10 pieds* de haut, et ses partisans étaient sûrs que son verre extérieur aurait résisté à de grandes forces de vent. Cette vision d’un gratte-ciel moderne était esthétiquement, sinon structurellement, en avance d’un siècle sur son temps et aurait pu se comparer à l’architecture actuelle. (…) il aurait constitué une innovation technologique plus audacieuse que le Crystal Palace lui-même mais sa réussite était moins assurée.

* Environ 300 m
* Environ 14 m
* Environ 3 m

[…]

Bien que le Crystal Palace soit condamné à Hyde Park, Paxton avait d’autres plans pour le bâtiment qui lui avait valu le titre de Chevalier. Le démantèlement commença à l’été 1852. Les colonnes et les poutres, les gouttières et les panneaux de verre furent transportés sur les 200 acres* boisés au sommet de Sydenham Hill, au sud de Londres. Paxton leva plus d’un demi -million de livres pour acheter le site de Sydenham et les matériaux de construction.

* Environ 81 hectares.

Le Crystal Palace de Sydenham fut cependant plus qu’une re-création de la structure originale. Le toit était voûté sur toute sa longueur et le transept central fut considérablement agrandi, en largeur et en hauteur, afin de ne pas disparaître sous l’effet du nouveau toit. Le transept agrandi, en retour, demandait l’addition de deux étages et de deux fins de transept pour être équilibré. Le coût final du projet, qui incluait les jardins et les fontaines, fut de 1,3 millions.

Une partie de ces dépenses supplémentaires fut investie dans deux châteaux-d’eau qui alimentaient des fontaines sophistiquées censées rivaliser avec celles de Versailles. (…)

Bien que le feu ait détruit le transept nord en 1866, l’asymétrique mémorial à Joseph Paxton restant et le Crystal Palace original résistèrent au vent et à la grêle pendant bien des années avant qu’un autre incendie ne détruise l’intégralité u bâtiment en 1936. Les deux châteaux-d’eau restèrent debout avant d’être démolis en 1940, probablement parce qu’on craignait qu’ils ne servent de guide aux bombardiers ennemis à la recherche de Londres. (…)

[…]

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