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Histoire des objets, La Révolution industrielle (8) – Le “Deutscher Werkbund”.

p.81-88.
« Appelé à la présidence du Conseil de Prusse par Guillaume Ier en 1862, le prince Otto von Bismarck, (…), réalise l’unité allemande au profit de la Prusse. “L’Empire allemand” est proclamé à Versailles le 18 janvier 1871, et le roi de Prusse devient Kaiser (Empereur d’Allemagne). L’Allemagne connaît une expansion industrielle remarquable, qui va de pair avec la constitution d’un parti socialiste puissant.(…).
À l’aube du XXè siècle, pour un pays dont l’industrie est en pleine expansion, qui nourrit des prétentions pangermaniques et se lance dans une politique coloniale, la Grande-Bretagne, pays de la révolution industrielle, qui a mis en œuvre un important programme d’habitat à caractère social et jouit d’un immense empire colonial, reste le grand exemple en même temps qu’un redoutable adversaire économique. Pour étudier de plus près le système britannique, un observateur est envoyé sur place. L’architecte Hermann Muthesius part pour Londres en 1895 en qualité d’attaché de l’ambassade d’Allemagne (après l’avoir été au Japon). En 1902, il se penche sur l’œuvre de William Morris et, à travers elle, sur la pensée théorique et pratique – bien qu’en partie utopique – qui sous-tend le mouvement Arts & Crafts. Il étudie également de très près la question de l’habitat en Grande-Bretagne et publie en 1904 Das Englische House, qui suscite en Allemagne un vif intérêt. Riche des enseignements tirés de ses enquêtes, Muthesius revient en Allemagne, où, en 1906, la troisième exposition des arts appliqués de Dresde est marquée par une tendance au fonctionnalisme qui s’oppose au Jugendstil. Avec des participants comme Richard Riemerschmid, on y aborde aussi la question d’une production industrielle à faible coût. Cette exposition est bien reçue. C’est donc dans un climat favorable que Muthesius (…) lance l’idée du Deutscher Werkbund (Association allemande des artisans). Fondée le 6 octobre 1907 à Munich, cette institution paraétatique (…) sera soutenue par le ministère prussien du Commerce. Au départ, elle regroupe des architectes et des artistes, parmi lesquels, outre Muthesius, les Allemands Bruno Paul, Peter Behrens, Bruno Taut, Walter Gropius, Adolf Meyer, Richard Riemerschmid, Hans Poelzig, les Autrichiens Josef hoffmann, Joseph Maria Olbricht, le Néerlandais Jacobus Johannes Pieter Oud, le Belge Henry van de Velde, ainsi que des fabricants tels Peter Bruckmann et fils, Poeschel et Trepte.
Le manifeste inaugural du Deutscher Werkbund exprime clairement les objectifs. En référence au concept de synthèse des arts développé par la mouvement Arts & Crafts en Grande-Bretagne, il s’agit de promouvoir l’innovation dans l’architecture et les arts appliqués en l’adaptant au monde industriel de fabrication.
La notion d’esthétique industrielle étant mise en avant, il convient de rallier à la cause les meilleurs représentants “des arts, de l’industrie, des métiers et du commerce”, tous les efforts devant porter sur la qualité de la production allemande. On considère aussi qu’il n’y a pas de frontière entre l’outil de l’artisan et la machine. Le message est bien reçu, puisqu’en 1908 le Deutscher Werkbund compte déjà 492 membres. En 1914, il y en aura 1870. À travers le Werkbund, les intentions de Muthesius sont claires. En 1911, il déclare : “Il s’agit plus que de dominer le monde, plus que de le financer, l’éduquer et l’inonder de produits, de lui donner un visage. Le peuple qui réalisera cela sera réellement à la tête du monde. L’Allemagne doit être ce peuple.” L’exemple allemand, très positif, sera suivi par d’autres pays (Autriche, Suisse).
, pour le Deutscher Werkbund, est une date importante, puisque c’est celle qu’il choisit pour présenter à Cologne une vaste exposition, laquelle sera le lieu d’une violente polémique. Sur le sujet de la production, elle oppose les partisans de la standardisation, réunis autour de Muthesius (…) à ceux qui soutiennent que le concepteur doit agir en toute liberté , c’est-à-dire en dehors de tout “canon” et de toute “modélisation”, et qui se rassemblent autour de Henry van de Velde (Walter Gropius, Bruno Taut). L’entrée en guerre de l’Allemagne évitera la dissolution du Werkbund, dont les activités reprendront dès 1919.
L’une des opérations les plus exemplaires qui se déroulent dans le cadre du Werkbund concerne la société berlinoise AEG et le vaste programme de design total qu’elle entreprend dès 1907 avec l’architecte Peter Behrens (…).

Documents liés :
Gert Selle, “La fondation du Deutscher Werkbund”, in Culture technique, n°5, 1981

À l’heure de la modernité (1) – Futurisme, cubisme, constructivisme (France, Italie, Russie).

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