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Raymond Guidot, La voiture Ford Model T

« On dit que c’est en visitant les chaînes d’abattage et de préparation des porcs des abattoirs de Chicago qu’Henry Ford eut l’idée d’appliquer un système analogue à la construction en série de la fameuse Ford Model T. Celle-ci est née le 1er octobre 1908 à Detroit, dans les ateliers de la Ford Motor Company, fondée en 1903 par Henry Ford et douze associés. Avec les innovations dont son créateur l’a dotée, cette voiture est sans conteste la plus révolutionnaire de son temps. Sur le plan technique, on note, par exemple, la position du réservoir sous le siège avant, si bien que l’essence alimente par simple gravité – ce qui oblige à monter les fortes pentes en marche arrière – un moteur à quatre temps et à quatre cylindres en ligne, dont la puissance de 20 CV permet une vitesse de 72 km/h. (…)
Pour donner naissance à la voiture de ses rêves, Ford sait qu’il doit passer du stade artisanal de la fabrication sur commande à celui de la production massive. S’il ne les cite jamais, Frederick Winslow Taylor et son organisation scientifique du travail lui sont bien connus, et il s’en inspire lorsqu’il s’agit de gagner du temps sur la fabrication des centaines de composants que comporte chaque voiture. (…) Il innove en mettant en place, en 1913, une chaîne de montage dont le cycle mécanique ne laisse à l’ouvrier d’autre possibilité d’action que la répétition d’une opération unique qui ne demande aucune habileté manuelle. (…) Grâce à elle, le temps de production d’un véhicule qui, sur le mode artisanal, était de plus de douze heures passe à… un toutes les vingt secondes, Ford ayant instauré le système des “trois huit” (…).
Celle que l’on surnommera “Tin Lizzie”, mais que Ford préférait appeler “Voiture universelle”, connaîtra au cours de la longue carrière de nombreuses améliorations. En 1908, la voiture ne bénéficiait pas encore de dispositifs déjà inventés mais onéreux et n’offrait pas de garanties suffisantes : pas de démarreur mais une manivelle ; pas d’avertisseur électrique mais un “klaxon” muni d’une poire en caoutchouc ; pas de phares électriques mais des lampes à acétylène ; des freins seulement sur les roues arrières… De plus, la protection des passagers contre les intempéries n’était assurée que par une capote qui laissait les côtés ouverts à tous vents, accusant un peu plus encore la silhouette que la carrosserie avait héritée des attelages hippomobiles. Mais elle était d’une conduite facile : Ford déclarait que même un garçon de quinze ans pouvait la manœuvrer. De plus, son prix d’achat, 850 dollars, était déjà incroyablement bas. Il passera à 265 dollars en 1922. (…)
En 1914, la voiture est équipée de phares et d’un avertisseur électrique, tandis qu’en 1919 l’équipement électrique avec dynamo et démarreur est parfaitement au point.
(…) On prête souvent à Ford la boutade selon laquelle on peut commander un Ford T de n’importe quelle couleur pourvu qu’elle soit noire. De fait, cette boutade cache une réalité : c’est le coloris de la peinture qui s’est révélée la plus résistante. En 1927, lorsque la production s’arrête, quinze millions d’exemplaires ont été vendus dans le monde entier. »

Raymond Guidot, Histoire des objets, chronique du design industriel, p. 92-95

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