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Organic Design in Home Furnishing, exposition, MoMA, 24 septembre – 9 novembre 1941.

« En 1940, le MoMA organise un concours de design pour créer des meubles, des lampes et des textiles de “design organique”. Son commissaire, Elliot Noyes, le décrit comme étant “l’organisation harmonieuse des parties dans le tout, par la structure, les matériaux et l’intention.” Les gagnants pouvaient non seulement présenter leurs travaux dans l’exposition Organic Design in Home Furnishing (Le Design organique dans l’ameublement de la maison), mais gagnaient aussi des contrats de fabrication et de distribution avec de grands magasins dont le premier jour de mise en vente coïncidait avec le vernissage de l’exposition. Cette exposition a fait connaître dans le monde entier Eero Saarinen et Charles Eames, qui avaient travaillé ensembles et remporté le concours dans la catégorie “chaise” (avec l’iconique Organic Chair) et “pièce à vivre”.

Lien vers le catalogue numérisé

Il n’aura échappé à personne que cette exposition a lieu en pleine seconde guerre mondiale. Les États-Unis entreront en guerre du côté des alliés en décembre 1941. Meubler son habitation de “design organique” peut sembler, en ces temps de guerre, une préoccupation bien futile. Elle l’est sans doute pour une grande majorité d’américains. Mais, dans l’un des communiqués de presse diffusé le 25 septembre 1941, figure la retranscription d’un discours de Wallace K. Harrison, présenté comme “Président du conseil d’administration du département de design industriel du Musée et directeur des relations culturelles du bureau des affaires inter-américaines”. Ce discours, que je ne suis pas capable d’analyser de manière approfondie, entraîne cependant l’exposition vers des enjeux politiques qui vont bien au delà de préoccupations décoratives.

Communiqué de presse original

« Quand le Département de Design industriel a ouvert au Musée, certains ont été désorientés par la confusion possible entre culture et commerce. Ils avaient oublié que le Musée de Stockholm avait ouvert un Département de Design Industriel quarante ans plus tôt qui a permis à la Suède de diffuser sa culture dans le monde entier grâce à ses meubles et ses tissus. Ils avaient aussi oublié que Colbert a organisé en France l’installation d’usines pour fabriquer les métiers à tisser de Gobelin et des ateliers de porcelaine où la porcelaine de Sèvre fut produite pendant les trois cent ans qui suivirent. Il y a cependant un autre lien, qui va bien au delà d’un art lucratif, dans le travail du Département de Design industriel de ce musée.
À l’ouverture de ce musée, il y a trois ans de cela, le Président Roosevelt a dit : “Les arts ne peuvent bien se porter que là où les hommes sont libres d’être eux-mêmes et responsables du contrôle de leurs énergies et de leur ferveur.” Il y a quelques années, l’un des principaux architectes d’Allemagne refusa de prendre Hitler dans son atelier pare que ce dernier n’avait pas les six mois d’expérience nécessaire dans le bâtiment. Hitler, alors peintre, décida de proposer sa candidature à un poste de peintre en bâtiment. Mais pendant cette expérience, où il partageait son échafaudage avec un peintre juif, il fut décidé qu’il n’était pas assez compétent pour garder ce travail. Ce renvoi marqua le début de sa haine contre les syndicats, les juifs et l’architecture moderne. Ce qui arriva est l’histoire.
Essayez d’imaginer ce qui serait arrivé à ce concours si Hitler avait été l’un de ses juges. La moitié des participants auraient été exclus parce qu’ils n’étaient pas de sang nordique ; et les autres auraient été rejetés parce que les formes des meubles ne ressemblaient pas aux colonnes grecques ou aux toits de Nuremberg. Et il aurait finalement été décidé qu’il n’y aurait pas de concours et on aurait finalement fait paraître une annonce déclarant que les Américains, du Nord et du Sud, étaient dégénérés et n’avaient pas leur place dans le nouvel ordre du monde. Si cela semble ridicule, regardez ce qui est arrivé à l’art moderne en Allemagne et maintenant en Hollande et à Paris. Mais cela n’est pas arrivé ici ! Cette exposition représente en partie le travail de votre gouvernement, dans le sens où votre gouvernement a contribué à apporter à ce pays un certain nombre de designers ayant remporté des prix. Votre gouvernement essaye de lier ensemble les vingt et uns pays comme vous l’avez fait avec le commerce et la culture. Vous seuls savez, parce que vous avez travaillé à cette exposition, à quel point c’est difficile.
Par l’avancée de la paix et le développement des arts du futur, vous avez aidé à souder ensemble vingt et un républiques américaines. Cette exposition répond en partie à Goebbels qui a déclaré à Munich : “Cette guerre est la guerre de la préservation de la culture allemande”. Nous, Américains, tentons de préserver notre culture passée, mais sommes aussi engagés dans la construction de notre culture future avec l’assurance et la force que nous nous battons pour vivre dans un monde meilleur, et non pour mourir pour la préservation d’une culture passée. La page est tournée. »

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