Parmi les trois approches de la pratique du design en Italie repérées par Emilio Ambasz — conformiste, réformiste et contestataire —, les objets qui suivent correspondent à l’approche réformiste. Cette approche se divise en deux grandes tendances : à la question de l’implication sociale, la première répond “rhétorique” tandis que la seconde répond “usage” (flexibilité, modularité).
Approche “rhétorique”
« La deuxième attitude, la réformiste, est motivée par un profond intérêt pour la question du rôle du designer dans une société qui considère la consommation comme l’un des principaux facteurs du bonheur individuel, et donc de la stabilité sociale. Tiraillé par le dilemme d’avoir été formés comme créateur d’objets et de ne jamais pouvoir contrôler ni la signification ni l’usage ultime de ces objets, ils se trouvent eux-mêmes dans l’incapacité de régler le conflit entre leurs préoccupations sociales et leur pratique professionnelle. Ils ont par conséquent développé un moyen rhétorique de surmonter ces contradictions. Persuadés que le design ne peut se réformer sans changements profonds dans la société, mais n’ayant pas l’intention d’initier eux-mêmes ces changements, ils n’inventent pas vraiment de nouvelles formes mais s’engagent plutôt dans une opération rhétorique consistant à re-designer des objets conventionnels à l’aide de références socioculturelles et esthétiques ironiques et pleines d’autodérision.
Par leur attitude ambiguë à l’égard des objets, ces designers justifient leur activité en donnant à leurs projets des formes qui appellent un discours à propos de ce que l’on attend traditionnellement d’eux dans la société. La diversité de ces opérations rhétoriques nous ont permis de repérer au moins une demi-douzaine de procédures différentes pour charger des formes connues de significations altérées. »
[Extrait de l’introduction du catalogue de l’exposition]
« Certains, s’inspirant du Pop art, en adoptent les formes issues des objets manufacturés qui composent notre milieu et les présentent en n’en modifiant presque rien d’autre que l’échelle. »
« Pour quelques designers, les hypothèses culturelles dominantes du moment sont erronées et ne peuvent qu’apporter de fausses bases à toute démarche formelle. Dépourvus de références solides, ils reviennent, dans une tentative dérisoire de purification, à la figure humaine comme source de toute vérité formelle. »
« D’autres designers ne cherchent ni à ajouter, ni à altérer, l’aspect de notre environnement ; ils donnent à leurs objets les apparences de la nature. »
Gruppo Strum, Pratone, 1970 (1971), polyuréthane, 95x145x136 cm Archizoom, Sanremo, lampe, 1968, métal laqué et perspex, 240x95x95 cm Superstudio, Passiflora, lampe à poser, 1968, plastique, 38x30x23 cm Gino Marotta, Dalia, suspension ou applique, 1968, plastique, 26x55 cm Marcello Pietrantoni, Roberto Lucci, Nuvola, suspension, 1966, plexiglas. Piero Gilardi, I Sassi, ensemble de sièges, 1967 (1968), polyuréthane, 45x60 cm, 25x35 cm et 20x15 cm
« Inversement, d’autres satisfont la même intention en constituant leurs objets uniquement à partir d’éléments industriels déjà existants, récupérés dans le paysage industriel environnant ; par ce recyclage, ils évitent la prolifération de nouvelles matrices formelles. »
« D’autres encore, confrontés à l’érosion d’une doctrine fonctionnaliste simpliste, produisent des objets dont la forme n’indique pas explicitement la fonction, et dont les propriétés structurelles contredisent même ce que l’on pourrait attendre de leur forme. Dans ce cas, “la forme ne suit plus la fonction” mais au contraire, la dissimule farouchement. »
« Reconnaissant que l’objet a souvent le statut d’un fétiche dans notre société, certains designers soulignent cette qualité en assignant à leurs projets une caractéristique explicitement rituelle. L’objet prend alors une forme sculpturale et est conçu comme un retable pour la liturgie domestique. »
« Pour d’autres, l’objet ne peut être dépouillé de sa mystique que s’il est apprivoisé, s’il est fabriqué pour endosser le rôle d’un animal domestique. Réduit à une forme saisissable, l’objet ne nous intimide plus ; dotés de la stabilité de la matière inerte et ne répondant à aucune fonction particulière, de tels objets peuvent être introduits dans nos maisons avec la certitude qu’ils ne rendront jamais visible le passage du temps biologique ou social. »
« D’autres groupes s’intéressent davantage à la manipulation ironique des significations socioculturelles attachées à certaines formes qu’à réellement changer ces formes. Ils dessinent en particulier des objets délibérément kitsch, comme un pied de nez aux objets créés pour satisfaire le désir de statut social et d’identification. »
100x240x38 cm
Gae Aulenti, Pipistrello, lampe, 1965 (1966), base en aluminium laqué, pied télescopique, abat-jour en perspex, 70x53 cm Sergio Asti, Démodé, vase, 1969, verre veiné opaque, 12,5x30 cm Sergio Asti, Charlotte chair, 1968, acier chromé, assise tapissée de tissu velours, 65x60x52 cm Vico Magistretti, Golem chair, 1969, bois laqué, 125x50x56 cm
Approche “usage”
« Ceux qui suivent la deuxième tendance partagent avec le groupe précédent le fait de ne pas croire qu’un objet puisse être conçu comme un objet autonome, comme une entité isolée, sans aucune considération pour son contexte matériel ou socio-culturel. Leur réaction au problème, cependant, n’est pas celle d’une abstention passive mais plutôt celle d’une participation critique active. Ils en sont ainsi venus à concevoir leurs objets et leurs utilisateurs comme un ensemble de processus interdépendants, dont l’interaction produit des schémas relationnels en constant changement. Ces designers contemporain ont donc ajouté à la traditionnelle préoccupation pour l’esthétique des objets leur intérêt pour l’esthétique de l’usage qui en est fait. Cette approche holistique se manifeste dans le design d’objets dont la fonction est flexible, permettant ainsi de multiples modalités d’usage et d’aménagement. »
Piero Gatti, Cesare Paolini, Franco Teodoro, Sacco, 1969, pellets de polyuréthane ensachés dans du cuir ou du plastique, 115x50 cm Mario Bellini, Camaleonda, système d'assises modulables, 1970 (1971), polyuréthane recouvert de tissu, coussin de base, 41x90x90 cm, coussin long, 30x34x90 cm, coussin court, 30x20x90 cm, C&B. Alessandro Becchi, Anfibio, canapé convertible à trois positions, 1971, polyuréthane recouvert de tissu ou de cuir, 65x184x98 cm, Giovannetti. Cesare Casati, C. Emanuele Ponzio Rocchetto, fauteuil à trois positions, 1965 (1966; prototype), fibre de verre, 0 x80x85 cm), Arflex. Achille Castiglioni, Primate kneeling bench, 1970, cuir artificiel, 47x48x80 cm, Zanotta. Joe Colombo, Multichair, deux éléments modulables, 1969, polyuréthane recouvert de tissu, 70x58x108 cm, Sormani. Joe Colombo, système additionnel pour chaise longue et ottomane, 1968, blocs de polyuréthane interchangeables recouvert de tissu extensible, fixations en métal, chaise, 0x78x78 cm, ottomane, 40x42x78 cm, Sormani. Joe Colombo, Tube Chair, 1969 (1970), tubes en PVC matelassés de polyuréthane recouvert de tissu, 64x50 cm, Flexform Sebastiano Matta, système d'assises modulables, 1966 (1967), polyuréthane recouvert de tissu, 160x160x63 cm, gavina. Jonathan De Pas, Donato D'Urbino, Paolo Lomazzi, Galeotta, chaise longue à 3 positions 1967 (1968), polyuréthane recouvert de tissu, 64x65x95 cm Umberto Catalano, Gianfranco Masi, Ghiro, Dormouse, fauteuil convertible, 1967, polyuréthane recouvert de tissu, ouvert,56x80x260 cm, fermé, 65x80x115 cm Cini Boeri, Serpentone, assise de longueur illimitée, 1971, polyuréthane, chaque section, 36x37x90 cm, Arflex Fabio Lenci, Ensemble table et chaises, model 230/1/2. 1970, le cylindre central accueille six chaises pliantes, le chariot sur roulette six plateaux, polyuréthane et métal, diamètre, 76x150 cm, chariot, 114x77x58 cm, Bernini Achille et Pier Giacomo Castiglioni, Rampa, bureau et étagère dans escalier double face sur roulettes, 1963, bois, 130x78x150 cm, Bernini. Joe Colombo, Mini-cuisine sur roulettes. 1963, série limitée, bois et acier inoxydable, 95x60x100 cm, Boffi Giancarlo lliprandi, Arcipelago, système modulable de quatre éléments de cuisine, 1970 (1972), acier inoxydable et aluminium anodisé, 90x120x120 cm, RB Ufficio Tecnico Snaidero, système de cuisine articulé et dépliable sur roulettes, 1969, métal et contreplaqué recouvert de mélamine, 92x124x124 cm, Snaidero Alberto Salvati, Ambrogio Tresoldi, Tavoletto, Table basse sur roulettes contenant un lit pliant, 1967 (1969), bois laqué, 8x91x91 cm, Campeggi Alberto Salvati, Ambrogio Tresoldi Armadio-letto, penderie sur roulettes contenant un lit pliant, 1967 (1969), bois laqué, 95x64x90xcm, Campeggi Angelo Mangiarotti, Cub 8, système mural contenant des placards, des étagères, des commodes, un lit, un bureau pliant et un bar, 1966 (1967), le nom provient du nombre maximum de cubes adjacents qui peuvent être composés par le système, bois peint, intérieur en plastique, joints en PVC, chaque unité, 240x45, 60, ou 90x45 cm, Poltronova Giancarlo et Luigi Bicocchi, Roberto Monsani, système de parois et plafond comprenant une cuisine, un lit convertible, un placard, une bibliothèque (parois), éclairage et haut-parleurs (plafond), 1971 (1972; prototype), contreplaqué et mélaminé, chaque unité, 210x180x60 cm, De Padova Bruno Munari, Abitacolo, structure habitable, 1971, acier soudé, verni, 200x90x190 cm, Robots Alberto Seassaro, Central Block, système dépliable contenant un lit, une table, une penderie, un toilette, des étagères, 1968 (prototype 1970), bois peint et acier chromé, fermé, 230x200x200 cm, ouvert, 660x345x200 cm Internotredici (Carlo Bimbi, Gianni Ferrara, Nilo Gioacchini), Tuttuno, unité comprenant un lit, une table, un canapé, des tiroirs et des étagères, 1969, 1971, édition limitée, contreplaqué recouvert de mélaminé, 130 x222x222 cm, Giosué Turri