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Catalogue de l’exposition Italy: The New Domestic Landscape, MoMA, 1972 — Objets sélectionnés pour leurs implications socioculturelles.

Parmi les trois approches de la pratique du design en Italie repérées par Emilio Ambasz — conformiste, réformiste et contestataire —, les objets qui suivent correspondent à l’approche réformiste. Cette approche se divise en deux grandes tendances : à la question de l’implication sociale, la première répond “rhétorique” tandis que la seconde répond “usage” (flexibilité, modularité).

Approche “rhétorique”

« La deuxième attitude, la réformiste, est motivée par un profond intérêt pour la question du rôle du designer dans une société qui considère la consommation comme l’un des principaux facteurs du bonheur individuel, et donc de la stabilité sociale. Tiraillé par le dilemme d’avoir été formés comme créateur d’objets et de ne jamais pouvoir contrôler ni la signification ni l’usage ultime de ces objets, ils se trouvent eux-mêmes dans l’incapacité de régler le conflit entre leurs préoccupations sociales et leur pratique professionnelle. Ils ont par conséquent développé un moyen rhétorique de surmonter ces contradictions. Persuadés que le design ne peut se réformer sans changements profonds dans la société, mais n’ayant pas l’intention d’initier eux-mêmes ces changements, ils n’inventent pas vraiment de nouvelles formes mais s’engagent plutôt dans une opération rhétorique consistant à re-designer des objets conventionnels à l’aide de références socioculturelles et esthétiques ironiques et pleines d’autodérision.
Par leur attitude ambiguë à l’égard des objets, ces designers justifient leur activité en donnant à leurs projets des formes qui appellent un discours à propos de ce que l’on attend traditionnellement d’eux dans la société. La diversité de ces opérations rhétoriques nous ont permis de repérer au moins une demi-douzaine de procédures différentes pour charger des formes connues de significations altérées. »
[Extrait de l’introduction du catalogue de l’exposition]

« Certains, s’inspirant du Pop art, en adoptent les formes issues des objets manufacturés qui composent notre milieu et les présentent en n’en modifiant presque rien d’autre que l’échelle. »

« Pour quelques designers, les hypothèses culturelles dominantes du moment sont erronées et ne peuvent qu’apporter de fausses bases à toute démarche formelle. Dépourvus de références solides, ils reviennent, dans une tentative dérisoire de purification, à la figure humaine comme source de toute vérité formelle. »

« D’autres designers ne cherchent ni à ajouter, ni à altérer, l’aspect de notre environnement ; ils donnent à leurs objets les apparences de la nature. »

« Inversement, d’autres satisfont la même intention en constituant leurs objets uniquement à partir d’éléments industriels déjà existants, récupérés dans le paysage industriel environnant ; par ce recyclage, ils évitent la prolifération de nouvelles matrices formelles. »

« D’autres encore, confrontés à l’érosion d’une doctrine fonctionnaliste simpliste, produisent des objets dont la forme n’indique pas explicitement la fonction, et dont les propriétés structurelles contredisent même ce que l’on pourrait attendre de leur forme. Dans ce cas, “la forme ne suit plus la fonction” mais au contraire, la dissimule farouchement. »

« Reconnaissant que l’objet a souvent le statut d’un fétiche dans notre société, certains designers soulignent cette qualité en assignant à leurs projets une caractéristique explicitement rituelle. L’objet prend alors une forme sculpturale et est conçu comme un retable pour la liturgie domestique. »

« Pour d’autres, l’objet ne peut être dépouillé de sa mystique que s’il est apprivoisé, s’il est fabriqué pour endosser le rôle d’un animal domestique. Réduit à une forme saisissable, l’objet ne nous intimide plus ; dotés de la stabilité de la matière inerte et ne répondant à aucune fonction particulière, de tels objets peuvent être introduits dans nos maisons avec la certitude qu’ils ne rendront jamais visible le passage du temps biologique ou social. »

Hans von Klier, Gli Animali, commodes miniatures, 1969, bois laqué, 105x40x31 cm, 40x40x31 cm, 41x40x18 cm

« D’autres groupes s’intéressent davantage à la manipulation ironique des significations socioculturelles attachées à certaines formes qu’à réellement changer ces formes. Ils dessinent en particulier des objets délibérément kitsch, comme un pied de nez aux objets créés pour satisfaire le désir de statut social et d’identification. »

Archizoom, Superonda, canapé convertible, 1966, résine expansée recouverte de tissu plastique,
100x240x38 cm

Approche “usage”

« Ceux qui suivent la deuxième tendance partagent avec le groupe précédent le fait de ne pas croire qu’un objet puisse être conçu comme un objet autonome, comme une entité isolée, sans aucune considération pour son contexte matériel ou socio-culturel. Leur réaction au problème, cependant, n’est pas celle d’une abstention passive mais plutôt celle d’une participation critique active. Ils en sont ainsi venus à concevoir leurs objets et leurs utilisateurs comme un ensemble de processus interdépendants, dont l’interaction produit des schémas relationnels en constant changement. Ces designers contemporain ont donc ajouté à la traditionnelle préoccupation pour l’esthétique des objets leur intérêt pour l’esthétique de l’usage qui en est fait. Cette approche holistique se manifeste dans le design d’objets dont la fonction est flexible, permettant ainsi de multiples modalités d’usage et d’aménagement. »

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