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Carlo Caldini, Space Electronic, 2013

Carlo Caldini, « Space Electronic » , in Alex Coles, Catharine Rossi, The Italian Avant-garde, Vol. 1, 1968-1976, p. 97-105.

Dans la deuxième partie des années soixante, l’École d’architecture de l’université de Florence se caractérisait par un environnement extrêmement vivant et créatif, grâce à un groupe d’enseignants et d’étudiants qui s’efforçaient de participer au développement de la plupart des courants culturels et politiques les plus actifs. C’est dans ce contexte que le Groupe 9999 est né (Giorgio Birelli, Fabrizio Fiumi, Paolo Galli, et moi-même) et a mené ses premières expérimentations entre 1966 et 1968 au sein de l’École d’architecture où nous étions tous étudiants. Pendant l’été 1968, nous avons ouvert notre propre studio au sud de Florence, près de Porta Romana, au rez-de-chaussée d’une villa située sur les hauteurs de Marignolles, où nous allions réaliser les films, installations, collages et happenings avec lesquels nous participerions au mouvement de design radical. Le 25 septembre 1968, de 23 h à minuit, avait lieu l’un de ces happenings : des projections sur le Ponte Vecchio de Florence juxtaposaient un astronaute flottant dans l’espace, un échangeur d’autoroute à Los Angeles ainsi que des rayures, des cercles concentriques et des motifs à carreaux. 

La discothèque The Space Electronic a ouvert le 27 février 1969. C’est Fiumi et moi-même qui en avons eu l’idée, pendant que nous vivions aux États-Unis en 1967 et 1968. Nos relations avec les mouvements de la jeunesse américaine débouchèrent sur une série d’environnements conçus par le Groupe 9999 qui célébraient la culture underground qui vibrait dans les plus grandes villes du pays. Les expériences live menées par certains — parmi eux le Fillmore à San Francisco, le Shrine Auditorium à Los Angeles et le Electric Circus à New York — ont inspiré le design d’un nouveau club à Florence qui viendrait prolonger cette tendance. Le nouveau club serait un environnement multimédia où, grâce à l’utilisation avancée des nouveaux médias, nous pourrions sentir la coexistence d’un monde « global » plus vaste où chacun pourrait rapidement entrer en contact avec diverses activités culturelles au moment où elles seraient produites. Les portes du Space Électroniciens s’ouvraient pour la musique, le théâtre, la danse, la peinture et l’architecture. Dès le début, le Space Electronic savait ce qu’il voulait être : un espace où différents types d’expériences pourraient exister simultanément précisément parce que qu’elles seraient l’expression d’un moment culturel précis. 

Space Electronic au début des années 70

Le programme du Space Electronic était riche. Des expérimentations musicales de l’avant-garde florentine alternaient avec celles de musiciens de renommée internationale. Les 17 et 18 novembre 1969, le festival Théâtre Off de Florence présentait Hamlet pendant que Julian Beck et Judith Malina du New York living Theater montaient Paradise Now et l’Antigone de Sophocle. 

Le Space Electronic abritait aussi le S-Space (Separate School for Expanded Conceptual Architecture — Ecole indépendante d’Architecture Conceptuelle Etendue). Le jour, le Groupe 9999 et des étudiants de l’école d’architecture utilisaient le vaste dancefloor comme salle de cours dans laquelle ils pouvaient réaliser de nouvelles expérimentations et des performances. 

La nature rendait nos observations quotidiennes de plus en plus fascinantes et captivantes. C’était une époque où le monde semblait dominé par la technologie, comme si nous étions tous embarqués dans une course effrénée sans que personne ne réalise quel ravages irréparables étaient infligés à la nature. En réaction à cela, le groupe 9999 a rédigé la déclaration suivante :

« RELAX. Le fonctionnement de notre planète repose sur de gigantesques cycles d’énergie. […] Nos perceptions dépendent uniquement de formes de vies de phénomènes connus et inconnus qui se manifestent […] dans l’harmonie et l’élégance de la nature. L’homme et son environnement sont au centre des recherches du groupe 9999, dans une recherche d’équilibre entre progrès scientifique et nature, qui advient grâce à des technologies sophistiquées, sans déchet ni pollution, entièrement dédiées au service et à la protection de l’homme et de son environnement. »
Groupe 9999, Ricordi di architectura (souvenirs d’architecture), Capponi, 1972. 

Tous nos projets ont alors découlé de ce principe. S-Space s’est déroulé lors du Mondial Festival, une coproduction du Groupe 9999 et de Superstudio qui a eu lieu au Space Electronic du 9 au 11 novembre 1971. Le groupe Urban Street Farmer, UFO, Ugo La Pietra, Anti Farm et de nombreux autres participants y ont participé. L’étage inférieur de la discothèque avait été transformé en lac, avec ses berges, ses plantes et ses poissons.

À l’étage supérieur se trouvait un vrai potager qui prenait la forme d’une maquette échelle 1 de la pièce de vie de la Garden House. La Garden House est le projet que nous avions développé pour participer au Concours pour jeunes designers organisé dans le cadre de l’exposition du MoMA de New York, « Italy : the new domestic landscape : Achievements and Problems in Italian Design » qui a ouvert un an plus tard. Conçue pour être industrialisée, la Vegetable Garden House permettaient aux familles de cultiver leurs propres légumes et de vivre ainsi dans une relation plus étroite à la nature. 

Nous avons publié cette même année Ricordi di architettura (Mémoires d’architecture), qui rassemblait et illustrait tous les travaux du groupe dans l’ordre chronologique. Nous avons continué à travailler ensemble pendant les années 70, le plus souvent avec Superstudio au sein du collectif Global Tools. Comme ce fut le cas pour le design radical en général, cette période a marqué la fin des expérimentations et des activités du Groupe 9999. 

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