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Victor Margolin, La révolution industrielle en Europe et en Amérique 1750-1830, 2015.

Traduction de World Design History (vol.1), « Chapter 8: The Industrial Revolution in Europe and America 1750-1830 », p. 171-203 (moins les parties concernant le design graphique).


Des origines anglaises

La révolution industrielle, selon un terme popularisé par l’historien Arnold Toynbee, a joué un rôle important dans la création du système de production de masse qui a fini par se propager dans le monde entier. Débuté en Angleterre autour de 1760, il se poursuit jusqu’en 1830 et résulte de la rencontre entre de nouvelles sources d’énergie, des inventions susceptibles de trouver une application industrielle et la création d’un système de production en usine. La découverte par Abraham Darby que le minerai de fer pouvait être fusionné avec le coke dans un haut fourneau pour produire du charbon, et l’invention de la machine à vapeur par James Watt constituèrent deux événements déterminants.
En 1709, Darby (1678-1717), alors forgeron à Coalbrookdale dans le Shropshire en Angleterre, produisit du coke à partir de charbon chauffé, ce qui permettait de rendre moins chère et plus efficace la fabrication du fer. Cette découverte conduisit à généraliser l’usage du fer pour les ponts et les hangars à train, ainsi que pour les machines, essentielles au processus d’industrialisation. La machine à vapeur fut, quant à elle; développée à partir du besoin de pomper l’eau dans les mines de charbon afin de satisfaire à la demande croissante de coke. 
Thomas Newcomen (1663-1729), quincailler et forgeron, inventa le premier système de pompe, machine qui fut améliorée et rendue plus efficace par James Watt (1736-1819). Ce dernier s’associa avec l’entrepreneur Mathew Boulton (1728-1809) pour la commercialiser avec succès. Les solides améliorations de Watt permirent à sa machine de trouver de nombreuses applications dans les nouvelles usines, comme dans les usines de production de farine et de mouture de fer ou les filatures de coton qui accrurent la production de vêtements en coton, l’une des premières industries de Grande-Bretagne. 
Vers 1760, plusieurs inventions conduisirent à un accroissement spectaculaire de la production. La première fut la spinning jenny de James Hargreave (1720-1778). Inventée en 1764, elle n’était pas beaucoup plus qu’un rouet additionné de fuseaux. Elle n’avait besoin d’aucune énergie mécanique et permettait à un seul fileur de faire le travail de plusieurs.

Source [https://www.britannica.com/biography/James-Hargreaves]

Le métier à filer à eau (water frame) de Richard Arkwright (1732-1792), actionné par une roue à eau, était plus efficace. Il est probable est que Arkwright n’ait pas lui-même inventé le métier à filer mais qu’il ait su l’utiliser avec succès pour accéder à une position dominante dans l’industrie du textile où il dirigeait plusieurs usines qui pouvaient toutes traiter l’ensemble des phases de la production.

Source : [https://www.nationalarchives.gov.uk/]

Vers 1787, les machines à vapeur de Watt et Boulton équipaient les usines de filatures. Le poète William Blake, manifestait son scepticisme à l’égard de l’énergie à vapeur et des usines qu’elle engendrait en déplorant dans ses poèmes de La Nouvelle Jérusalem, les « sombres moulins sataniques » (dark Satanic mills) qui altèrent les « paysages charmants et verdoyants d’Angleterre » (England’s green and pleasant land).
Les usines ne sont pas nouvelles au moment de la Révolution Industrielle, ce qui l’est en revanche, c’est leur taille gigantesque, qui astreint souvent chaque ouvrier à accomplir une tâche réduite et intègre le travail humain à la puissance mécanique. Quand une nouvelle machine était inventée, les propriétaires d’usine cherchaient un moyen d’adapter le travail humain à la machine, avec pour conséquence de faire perdre leurs compétences aux ouvriers à force d’exécuter des tâches de plus en plus limitées, et à augmenter la demande de production au fur et à mesure que les machines imposaient de nouvelles cadences de travail. Au même moment, l’expansion des usines fournissaient des milliers de nouveaux emplois, bien qu’au début, l’absence de lois sur le travail permettaient d’envoyer les enfants à l’usine plutôt qu’à l’école et que les ouvriers étaient contraint à passer de longues heures au travail afin de garder les machines de la chaîne de production en mouvement. 
Dans son traité séminal d’économie politique, La Richesse des Nations, paru en 1776, Adam Smith célèbre le libre marché comme le cœur du capitalisme, nouveau système économique. Smith justifie les initiatives entrepreneuriales ambitieuses et la création d’infrastructures économiques comme les banques, les usines, les canaux, et les voies ferrées par la nécessité d’accroître la production et la distribution de biens. Le maintien d’un tel système réclame des améliorations dans le domaine de l’éducation ainsi que des réformes agricoles majeures qui libèreront un maximum d’individus pour aller travailler dans les usines. Cela signifie également trouver des moyens d’accroître les profits en abaissant le coût des produits. Dans un premier temps, les propriétaires d’usines y parviennent en payant de bas salaires aux ouvriers, en introduisant de plus en plus de machines pour accomplir les opérations de fabrication ou en diminuant la qualité de la production. Tout cela finit par provoquer une révolte. Les ouvriers s’organisèrent pour résister à leur propre exploitation et le public commença à réclamer des produits de meilleurs qualité. Cet attention portée à la qualité deviendra un principe fondateur du mouvement de réforme du design Britannique. 
Une meilleure production de toutes sortes de biens est allée de pair avec le début d’un marché de consommation constitué d’individus qui pouvaient s’offrir de nouveaux vêtements, de nouveaux meubles ou des objets décoratifs. Les nouveaux consommateurs étaient issus d’une classe moyenne montante dont les goûts étaient la plupart du temps calqués sur ceux de l’aristocratie et de la royauté. Les usines ne remplacèrent pas immédiatement le système de production artisanal que les guildes avaient mis en place et maintenu depuis le moyen-âge, mais il créa différents moyens de production alternatifs qui faisaient appel à d’autres spécialistes que des artisans pour concevoir les nouveaux produits. Cependant, à la place d’un seul nouveau type de designer, il y avait de multiples concepteurs aux compétences variées qui travaillaient sur toutes sortes de projets. Dans la première phase de la production de masse, nous pouvons en identifier au moins cinq types : l’inventeur ou le bricoleur, l’ingénieur, l’artisan, l’architecte et l’artiste. 
Ce n’est pas avant 1860, juste après la première poussée de la Révolution Industrielle, que les connaissances scientifiques furent systématiquement appliquées aux problèmes de l’économie de production. Auparavant, le bricoleur ou l’inventeur indépendant était une figure centrale de l’innovation. Richard Trevithick (1771-1833) et George Stephenson (1781-1848), qui inventèrent les premières locomotives, étaient parmi ceux-là. Trevithick était à peine lettré mais avait la capacité à résoudre des problèmes sur lesquels séchaient les ingénieurs. Sa locomotive reposait largement sur la machine à vapeur de Watt mais il ne partageait pas la résistance de ce dernier à la « forte vapeur » (strong steam). En permettant à la vapeur sous haute-pression de se développer dans un cylindre, il construisit une machine plus petite et plus légère sans perdre de puissance. En 1803, il construisit la première locomotive à vapeur au monde pour les ferronneries de Penydaren au sud du Pays de Galles et l’année suivante, la locomotive tracta 10 tonnes de fer et 70 hommes sur une distance de 10 miles. 

Source :[museum.wales]

En 1808, Trevithick conçut une nouvelle version de sa machine, la Attrape-moi-si-tu-peux (Catch-me-who-can), qu’il exposa à Londres, mais il abandonna ensuite ses travaux sur les machines à vapeur parce que les premiers rails ne pouvaient supporter leurs poids. La contribution la plus importante de Trevithick au développement futur de la machine à vapeur fut sans doute la chaudière plus petite et plus légère qui avait fait la différence entre sa machine mobile et la machine statique de Watt. Comme d’autres designers-inventeurs, il s’était concentré sur les aspects techniques de la locomotive plutôt que sur son apparence, bien que la grande chaudière cylindrique abruptement plantée d’une cheminée pour évacuer la vapeur devint plus tard la base des développements esthétiques du design des locomotives.
Tout comme Trevithick, George Stephenson n’avait pas de formation en mécanique ou en ingénierie. Il acquit ses premières connaissances sur la machine à vapeur auprès de son père qui pilotait une Newcomen, utilisée pour pomper et évacuer l’eau d’une mine de charbon de Newcastle. Un propriétaire de la mine de Killingworth, où Stephenson travaillait en tant que chef mécanicien, lui offrit l’opportunité de construire plusieurs locomotives expérimentales. En 1821, il retint la proposition que lui fit Edward Pease (1767-1858) de construire un tramway tracté par des chevaux entre Stockton et Darlington. Avec l’appui financier de Pease, les deux hommes créèrent Stephenson and Company en 1823 pour fabriquer des locomotives à vapeur. En 1825, la ligne Stockton-Darlington devint le premier chemin de fer au monde à transporter des marchandises et des passagers. Stephenson s’intéressa alors à d’autres lignes comme à celle qui était prévue entre Liverpool et Manchester. En 1829, une nouvelle locomotive, The Rocket (La fusée), qu’il avait conçu avec son fils Robert, remporta la compétition pour couvrir la ligne avec une vitesse de 36 miles à l’heure. 

Source : [sciencemuseumgroup.org.uk]

Les chemins de fer commandèrent huit locomotives à Stephenson, qui furent toutes construites dans son usine à Newcastle. Stephenson and Company connu un réel succès dans la fabrication de locomotive, mais Stephenson occupe un rôle plus important dans le développement des chemins de fers britanniques, puisqu’il s’intéressa également au problème de la construction des routes, à la conception des ponts et à la production de matériel roulant qui dépassaient largement ses préoccupations initiales de conception de locomotives. 
Les carrières de Trevithick et Stephenson illustrent la trajectoire d’inventeurs et de bricoleurs indépendants qui contribuèrent de manière importante à la Révolution Industrielle. Dès 1754, William Shipley (1715-1803) créait la Society of Arts pour soutenir l’invention en attribuant des prix aux bonnes idées. Six comités furent formés pour attribuer des prix dans différents domaines comme l’agriculture, la fabrication de produits et le commerce. Les bonnes idées étaient publiées dans des brochures ou des articles et des images des nouvelles inventions étaient distribuées sous forme de gravures en manière noire. 
Shipley a également crée une école de dessin qu’il considérait comme aussi bénéfique au commerce qu’à l’art. Il souhaitait y former de jeunes hommes aux métiers du meuble, y compris, comme il le disait, « des mécaniciens ingénieux, des sculpteurs, des menuisiers, des tapissiers, des ébénistes, etc. ». Bien plus tard, en 1923, fut créée le London Mechanics Institute, pour que les classes laborieuses puissent voir ce qu’étaient les arts mécaniques et ainsi, favoriser l’esprit d’innovation que Trevithick et Stephenson représentaient. Vers 1841, il y avait plus de 700 de ces instituts en Grande-Bretagne. Ils proposaient des conférences et des cours d’initiation scientifique et sur les arts utiles et finançaient des bibliothèques et des maquettes de machines pour stimuler la recherche.
En plus des bricoleurs et des mécaniciens, on trouvait aussi des ingénieurs comme Isambard Kingdom Brunel (1806-1859), qui, comme Stephenson, est une figure de proue du développement du chemin de fer en Grande-Bretagne. Fils d’un ingénieur, Marc Isambard Brunel (1769-1849), Isambard fit de brèves études en France pendant sa jeunesse mais doit la plus grande part de sa formation à son père. L’étendue de ses projets en Grande-Bretagne est stupéfiante. En 1833 il est nommé ingénieur en chef de la Great Western Railway, où il introduisit le rail à voie large, qui l’emporta finalement sur les voies étroites de Stephenson, avec lesquelles il était en compétition. Une voie plus large permettait d’augmenter la vitesse des trains contribuant ainsi de manière significative au développement du chemin de fer. En plus de superviser la construction de plus de 1000 miles de voie ferrée, de nombreux tunnels, hangars et autres structures ferroviaires en Angleterre, Brunel a aussi participé à l’expansion des chemins de fers à l’étranger. Il construisit deux lignes de train en Italie et fut conseiller sur le projet de construction des Victoria Lines en Australie et des Eastern Bengal Railway en Inde. 
Si Brunel et Stephenson contribuèrent tous deux largement au développement des chemins de fer, Brunel possédait un avantage social — formation à l’étranger, apprentissage sous les auspices d’un père talentueux, premiers succès en tant que concepteur de ponts, qui lui offrit des opportunités inaccessibles à Stephenson, dont le manque de formation et l’expérience plus limitée en tant que mécanicien — un terme qui désignait ceux qui avaient des connaissances dans le domaine des machines — ne l’avait jamais préparé ni socialement ni intellectuellement à la catégorie de projets menés par Brunel. 
(…)
Alors que les inventeurs et les ingénieurs travaillaient sur des objets techniques qui ne comportaient que très occasionnellement une dimension esthétique, comme le Clifton Suspension Bridge de Brunel flanqué de ses tours inspirées de l’architecture monumentale égyptienne, les artisans, qui produisaient directement pour le marché des consommateurs étaient profondément conscients de la forme des objets et concevaient d’ailleurs avant tout leurs produits comme des objets de style.

Source [https://cliftonbridge.org.uk/]

Cela était particulièrement visible dans l’industrie du meuble. La production de mobilier était située à Londres, qui était non seulement le centre du goût anglais mais aussi le port principal où s’importaient les matériaux brut et où s’exportaient les produits finis. Le rôle des guildes déclina lentement pendant le XVIIIe siècle et les ateliers de fabrication de meubles purent bientôt développer leurs propres standards professionnels et programmes de formation. La formation suivait généralement l’ancien modèle des guildes, maîtres, compagnons et apprentis, mais le passage d’un grade à un autre était décidé par l ‘entreprise plutôt que par un groupement professionnel. 
L’organisation de la production de meubles prenait différentes formes. Certains artisans fabriquaient des meubles pour les vendre à des grossistes ou des revendeurs alors que d’autres vendaient directement au public. Il existait aussi des ateliers beaucoup plus grands où étaient intégrées toutes sortes de métiers et savoir-faire, ébénistes, tapissiers, sculpteurs, doreurs, et miroitiers. Ces grandes entreprises étaient en mesure de prendre en charge une grande variété de demandes qui allaient du store à l’ameublement complet d’une maison. Un des visiteurs d’un des ces ateliers les plus connus, Seddon, a rapporté que 400 personnes y étaient employées. Contrairement aux ateliers situés en ville, où la division du travail régnait, dans les campagnes, les menuisiers (encore très nombreux au XVIIIe siècle)), devaient maîtriser tous ces savoir-faire pour fabriquer un meuble. Comme Adam Smith le remarque dans La Richesse des Nations, l’artisan de meubles à la campagne n’était « pas seulement un menuisier, mais aussi un ébéniste et parfois même un sculpteur sur bois. »
Au XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, les styles de mobilier étaient très nombreux et éclectiques. L’un des plus connus était le Néo-classicisme. William Kent (c. 1685-1748), un architecte qui travaillait pour le Comte de Burlington, introduisit les premières versions de meuble néo-classiques mais, agrémentés d’ornements baroques, ils ne parvinrent pas à convaincre un large public. L’architecte Robert Adam (1728-1792) et son frère James (1732-1794) conçurent une version plus légère et délicate du Néo-classicisme qui pénétra le marché de la classe moyenne, auquel il était largement adapté. 
En tant qu’architecte qui dessinait aussi des meubles et des objets en céramique, les créations d’Adam portaient une dimension culturelle que les nouveaux fabricants de possédaient pas. Pendant son Grand Tour, il avait passé du temps à Rome, où, selon ses propres mots, il avait cherché à développer ses aspirations « sur la base des fondements solides de la véritable antiquité ». Vers le milieu des années 1760, de retour en Angleterre, il créa un style néo-classique qui incorporait sa propre synthèse de l’archéologie romaine, de l’ornement français et de la décoration de la Renaissance italienne. 
Designer d’intérieurs pour la nouvelle classe aisée de Syon House et Osterley Park, Adam créa des espaces ouverts et aérés dans lesquels il plaçait des copies de la statuaire antique aux côtés de ses meubles néo-classiques, plus ou moins approximativement adaptés de formes antiques. L’une des caractéristiques principales des intérieurs d’Adam était que même le plus petit détail faisait partie d’un ensemble homogène. 

Au delà du style Néo-classique, les autres styles européens prédominants dans le domaine du mobilier pendant le XVIIIe siècle étaient le Rococo et le Gothique. L’intérêt pour le Gothique était en partie stimulé par la popularité des fictions historiques de Sir Walter Scott, connues sous le nom des romans dit « Waverly ». Les meubles inspirés par le style Gothique empruntaient fréquemment leurs ornements aux flèches des cathédrales gothiques qui étaient alors reproduits de manière inappropriée sur les chaises, les tables et autre meubles. En dehors de l’application stricte des formes et éléments classiques par les frères Adam, la plupart des influences historiques du mobilier relevaient du pastiche, aboutissant à des pièces sur lesquelles apparaissaient des éléments issus de différentes sources historiques, qui cohabitaient généralement assez mal entre elles. 
En plus des sources historiques européennes classiques, les créateurs de meubles se lancèrent dans l’adaptation pittoresque de formes chinoises connues sous le nom de Chinoiseries. À l’image des adaptations gothiques, les meubles inspirés de la culture chinoise n’avaient aucun rapport avec leur source. Les Chinoiseries montraient à la place des images stéréotypées de la vie en chine ou des éléments architecturaux et des dragons qui étaient représentés sur beaucoup de grosses pièces de mobilier, sous l’influence probable de la vente de porcelaine chinoise en Angleterre. 
Ces styles étaient promus et diffusés dans les nombreux catalogues publiés par de grandes manufactures de meubles comme Chippendale, Sheraton et Hepplewhite. Thomas Chippendale (1718-1779) est ordinairement associé au style français Rococo, populaire en Angleterre au milieu du XVIIIe siècle. En 1754, il commence à publier son célèbre catalogue Gentleman and Cabinet-Maker’s Director, qui présentait au public plusieurs centaines de pièces de mobilier domestique dans une myriade de styles. À partir des années 1760, Chippendale, ainsi que d’autres fabricants comme George Hepplewhite, présentèrent des adaptations du style Néo-classique de Robert Adam. Une édition du Director fut publié plus tard en français et acquis une popularité conséquente en Europe, où le commerce de Chippendale prospérait. Comme d’autres dirigeants de grandes usines de meubles, Chippendale était plus un manager qu’un concepteur d’objets. Ainsi, il ne dessinait pas toutes ses pièces lui-même. D’autres catalogues de fabricants de meubles très répandus au XVIIIe siècle étaient The Cabinet-Maker and Upholsterer’s Guide (1788) de Hepplewhite (c. 1727-1786), et les quatre volumes du Cabinet-Maker and Upholsterer’s Drawing Book (1793-94) de Thomas Sheraton (1751-1806), qui faisaient tous deux la promotion du style Néo-classique. 
En complément à la demande grandissante de mobilier de la classe moyenne, la fabrication d’autres objets pour la maison comme des vases ornementaux, des plats de service en argent plaqué et des services en céramique trouvèrent eux aussi leur marché. Les deux plus grands fabricants de ces biens étaient les entreprises de Mathew Boulton (1728-1809) à Birmingham, qui fabriquait une grande quantité d’objet plaqué d’or ou d’argent, et celle de Josiah Wedgwood, dans le Stafforshire, un fabricant d’objets en céramique. 
Vers 1750, Birmingham était le centre névralgique de la production d’accessoires en métal comme les boutons, les boucles et les fermoirs. La plupart de ces objets étaient produits dans de petits ateliers, mais Mathew Boulton, associé à John Fothergill (1730-1782) en 1762, voyait les choses en plus grand. Emblématique d’une nouvelle espèce d’audacieux entrepreneurs britanniques, Boulton s’intéressait à la production à grande échelle et, vers 1766, lui et Fothergill avaient construit une usine où étaient installées des machines actionnées par un moulin à eau et où la division du travail organisait celui de plus de 600 ouvriers, concentrés sur la même tâche précise. 
Boulton étendit la gamme des objets produits pour y intégrer des vases, des urnes, des candélabres, des soupières, et autres objets destinés aux foyers des classes moyennes et aristocratiques. L’entreprise se spécialise dans le plaquage en argent, une technique consistant à plaquer un métal moins cher que l’argent, comme le laiton, mais avec l’aspect de l’argent. Boulton fut aussi le premier à produire en masse des montures décoratives dorées et autres objets à l’aide d’une technique connue sous le nom de ormolu qui consiste à plaquer un mélange d’or moulu et de mercure avec des métaux moins chers comme le bronze ou le fer. 

Le sens de la conception de Boulton était éclectique et il n’est pas connu pour avoir travaillé avec des designers. Il était un collectionneur notoire de livres de modèles, moulages en plâtre, et autres modèles que copiaient ses dessinateurs. Leurs dessins étaient alors transmis à des modeleurs qui fabriquaient les moules et emporte-pièces à partir desquels les produits finis étaient obtenus. Boulton cherchait à satisfaire le « goût antique » anglais avec une large gamme de vases, aiguières, fontaines à thé et ainsi de suite. L’élégance du Rococo à la française, modifiée pour le marché britannique, est perceptible dans ces aiguières ou pichets dont le corps est fait d’une pierre du Derbyshire appelée fluorspar, et dont le bec verseur, la anse et l’embase étaient ormolu, cependant qu’il mettait en œuvre un style proche du Neo-Classicisme pour d’autres objets comme les chandeliers. Son but était de pourvoir aux goûts les plus divers, ce qu’il parvenait à faire en mélangeant et assortissant des composants et des ornements sur des objets simples comme une théière pour aboutir à une grande variété. Sentant croître une forte demande pour l’énergie vapeur, il s’associe en 1775 avec James Watt pour se consacrer entièrement au perfectionnement et à la vente de machines à vapeur. 
L’autre grand entrepreneur anglais du XVIIIe siècle fut Josiah Wedgwood (1730-1795) qui, comme Boulton, fabriquait des objets domestiques à la mode antique, mais ses produits étaient plutôt des poteries que des objets en métal. Le centre de l’industrie potière était dans le Staffordshire, dans les Midlands britanniques. La popularité en Grande-Bretagne de la porcelaine de Chine de la dynastie Ming et du grès de Rhénanie poussa les entrepreneurs britanniques à créer leurs propres céramiques. Les premiers potiers du Stafforshire produisaient surtout pour la consommation locale et leurs produits n’atteignirent pas de gros volumes de ventes avant que Wedgwood n’invente un système de production et de marketing modernes qui a complètement transformé la production potière et servi de modèle à d’autres entreprises manufacturières. 
Wegdwood vient d’une famille où on était potier de génération en génération depuis le XVIIe siècle et il commença très tôt à travailler. De 1754 à 1759, il entretint une collaboration avec Thomas Whieldon (1719-1795), qui était probablement le plus grand potier de son temps. Pendant cette période, Wedgwood mis au point un vernis vert, qu’il utilisa avec Whieldon pour une collection de théières fantaisie très colorées en forme de chou-fleur, ananas et autres fruits et légumes. 

Wedgwood monta ensuite sa propre affaire, perfectionnant l’un de ses produits les plus vendus, les faïences unies de couleur crème. Afin d’obtenir un produit uniforme et cohérent, Wedgwood définit strictement les tâches de ses ouvriers, en adoptant une division du travail qui existait déjà depuis quelques années dans les poteries du Stanfforshire. Mais il analysa plus finement le processus de travail que ses prédécesseurs et le divisa en étapes supplémentaires, s’efforçant d’accomplir son intention de départ « de faire des hommes des machines afin qu’ils ne puissent plus se tromper. » Doté d’un grand sens des relations publiques, il gagna la protection de la Reine Charlotte, épouse du Roi George III, pour ses faïences de couleur crème qu’il nomma alors les Faiences de la Reine (Queen Ware). Ce produit durable et pratique se répandit largement sur le marché britannique et à l’étranger et demeure l’un des premiers exemples des « objets utiles » de Wedgwood. 

En 1767, Wedgwood rencontra Matthew Boulton et reconnu en lui un concurrent qu’il nomma « la plus grand manufacturier d’Angleterre ». L’année suivante, il s’associa à l’homme d’affaire Thomas Bentley (1730-1780) pour produire des « faïences ornementales » en complément des Faïences de la Reine, qui comprenaient des plaques, des bustes, des médaillons, des vases, des aiguières, des chandeliers, des bijoux et des bas-reliefs, le tout pour la vie quotidienne. Wedgwood appliqua à ces objets le style Néo-Classique popularisé par les frères Adam. Toujours attentif au besoin de nouveauté, il produit des objets dans d’autres matériaux, notamment en grès de basalte noir, utilisé pour imité les vases Grecs et en jaspe, un matériau blanc qui ressemble au biscuit et peut être teinté de nombreuses couleurs dont le fameux bleu pâle parmi d’autres tons plus vifs. Les ornements en relief blanc étaient moulés séparément puis appliqués sur le corps de la pièce pour imiter les camées antiques. 

Pour fabriquer ses faïences ornementales et certains de ses autres produits, Wedgwood construit une usine dans le Stafforshire qu’il nomma Etruria, référence Néo-Classique au site Italien antique où les Étrusques avaient vécu. Les modèles de ses faïences ornementales étaient produits par un groupe d’employés distincts de modeleurs artistiques qu’il finit par trouver trop indépendants. La société décida alors pour cette fonction de recourir à des artistes freelance. 

Selon un chercheur, c’était Bentley, l’associé de Wedgwood, qui avait le plus fort penchant pour le Néo-Classicisme. Parmi ceux à qui ils firent appel pour dessiner les modèles figurent Robert et James Adam, dont l’élégante esthétique Néo-Classique fut adoptée par Wegdwood pour des urnes décoratives et autres objets, et John Flaxman (1755-1826), un peintre et sculpteur de premier plan du style Néo-Classique. Flaxman commença à travailler pour Wegdwood et Bentley en 1775, période pendant laquelle il avait peu de travail et ne continua que jusqu’à avoir reçu des commandes de sculptures après un voyage en Italie. Son premier projet fut probablement une collection de 22 médaillons sculptés de personnages du XVIIIe siècle, parmi lesquels lui et sa femme figuraient. Flaxman produisit également un modèle de six Muses Grecques, utilisé de diverses manières. Il les reproduisait individuellement sur des médaillons ovales qui pouvaient être achetés en tant qu’objets autonomes, associés à d’autres Muses pour former des ensembles sur des bas-reliefs qui venaient ensuite ceindre des vases ou orner les cheminées. Les reliefs de Flaxman, comme le montre son Dancing Hours, étaient inspirés de dessins qu’ils copiait principalement sur des peintures de vases grecs ainsi que sur des imprimés anciens aux sujets classiques. Tout comme un designer, son travail consistait à fournir des modèles sculptés que Wedgwood utiliserait sous des formes différentes. D’autres artistes travaillaient également pour wedgwood, comme le peintre animalier George Stubbs (1724-1806) et Lady Elisabeth Templeton (1747-1823), membre de la famille Royale. 

Wedgwood était tout aussi ambitieux à l’égard de sa stratégie commerciale. Comme d’autres entreprises manufacturières, il avait un showroom à Londres ainsi qu’un catalogue. Mais plutôt que d’entasser des objets qui attendent d’être achetés dans un entrepôt, il avait sa propre équipe de vendeurs qui prenaient les commandes dans le showroom et à partir du catalogue. Ces commandes étaient ensuite fabriquées à Etruria et envoyées aux clients. Wedgwood était ainsi aussi bien un consommateur de design qu’un designer de la consommation. Il produisait constamment de nouveaux produits que ses concurrents anglais et étrangers s’empressaient de copier et de mettre sur le marché dans des versions moins chères. Il n’essayait pas de s’aligner sur ses rivaux en produisant moins cher. Pour les contrer, il mettait plutôt l’accent sur ses relations publiques, sur la qualité et sur des nouvelles méthodes de production et de distribution. 

Le continent Européen

Alors que le non-interventionnisme de la monarchie Britannique à l’égard du développement industriel laissa une grande marge de manœuvre aux ingénieurs, aux inventeurs, aux manufacturiers et aux artistes de s’épanouir en tant que concepteurs, la domination constante du roi et de sa cour en France laissait moins de place à l’épanouissement de l’entreprenariat et à la croissance de la classe moyenne. L’une des premières industries pendant les règnes de Louis XV et de Louis XVI était la manufacture de Sèvres, près de Versailles. Acquise par Louis XV en 1753, la manufacture devint la dernière des manufactures royales. Elle avait été créée à l’origine pour produire des copies de porcelaine de Saxe et s’inspirait plus largement des manufactures de Meissen en Allemagne, créées en 1710, qui dominaient le marché avant l’avènement de la manufacture de Sèvres. Les deux manufactures devaient faire face aux exportations chinoises et devaient aussi affronter l’âpre concurrence de Josiah Wedgwood dont ils copiaient les ornementations Néo-Classiques. 

L’ascendance de Sèvres, jusqu’à devenir la première manufacture de porcelaine d’Europe, est largement due à sa mécène et protectrice, Mme de Pompadour, maîtresse de Louis XV. Grâce à elle, certains des plus grands artistes français furent engagés dans l’entreprise, comme le peintre Rococo François Boucher (1703-1770) et Étienne-Maurice Balconnet (1716-1791), directeur de la sculpture entre 1757 et 1766. Beaucoup de produits de Sèvres étaient de petites sculptures en porcelaine de chérubins, de bergères, de nymphes ou oiseaux exotiques. Certains étaient en porcelaine blanche mais d’autres étaient peints par des artistes employés à la manufacture. La manufacture de Sèvres fabriquait aussi des services de table décorés, des vases et autres objets destinés à l’aristocratie et à la classe moyenne qui émergeait lentement. 

Parallèlement aux objets produits à la manufacture de Sèvre, le style Rococo fait aussi partie de l’exceptionnel savoir-faire dans le domaine de la fabrication de meubles sous les règnes de Louis XV et Louis XVI. En France, les clients de l’artisanat mobilier pendant ces règnes étaient principalement les membres de la royauté et de l’aristocratie, bien que pendant le règne de Louis XVI, une classe moyenne émergente faisait également partie du marché. Les meubles du règne de Louis XV sont l’illustration parfaite du style Rococo Français. Ils arborent des techniques décoratives dont la richesse n’est visible nulle part ailleurs. Les artisans travaillaient dans des bois exotiques comme le tulipier de Virginie, le citronnier et le bois de violette dans lesquels étaient pratiquées des incrustations de perle et d’ivoire; 

Les motifs faisaient la part belle à la fantaisie, des animaux étranges et des fleurs exotiques ornaient toutes les surfaces. Vers la fin du règne de Louis XV, le style Rococo fut progressivement remplacé par le Néo-Classique, porté d’une part par les campagnes de fouille à Herculanum et Pompéi et par l’influence des notions de rationalité et l’honnêteté défendues par les philosophes des Lumières français comme Voltaire et Diderot. 

La production du mobilier de luxe en France nécessitait l’intervention de différents artisans. Les Ébénistes (en français dans le texte) étaient des menuisiers mais devaient utiliser une structure fournie par quelqu’un d’autre. Ils achevaient le travail avec de coûteux plaquages et laques. Les Menuisiers (en français dans le texte), qui fabriquaient les chaises et tout ce qui était sculpté comme les cadres et les tables basses, appartenaient à une corporation différente. Les deux groupes travaillaient en collaboration avec un troisième groupe, celui des tapissiers. Il y avait aussi les ornemanistes (en français dans le texte), ceux qui dessinaient les ornements qui étaient utilisés sur des pièces de mobilier uniques et qui étaient publiés dans des livres de modèles. Adam Weisweiler, grand menuisier de la période Louis XVI, faisait partie de ceux qui avaient émigré d’Allemagne pour venir travailler pour l’aristocratie française. Weisweiler utilisait des placages de bois fin, des laques et de l’acier poli dans ses pièces. Comparées à l’extravagant style Rococo, ses meubles subordonnaient leurs éléments décoratifs à des formes fortement articulées. 

Ni Louis XV, ni son successeur Louis XVI n’avait de ministère chargé de promouvoir le développement industriel en France de manière aussi déterminée que l’avait fait celui de Colbert sous Louis XIV. Néanmoins, le développement industriel en France pu se développer indépendamment de la structure archaïque de la monarchie. Au moment de la Révolution Française en 1789, la France connaissait un essor industriel favorable. Dans le domaine de la conception navale, par exemple, les Français étaient meilleurs que les Anglais qui copiaient systématiquement les navires de guerre qu’ils capturaient. Bien que l’industrie ait souffert de la Révolution, commencée en 1789, elle repartit rapidement et en 1798 la France organisait sa première exposition industrielle officielle dans un « Temple de l’Industrie » construit à cet effet. L’exposition instaura un système de prix pour la conception et la fabrication et constitua une base pour les nombreuses expositions qui suivirent. En 1849, les Français ont renoncé à l’idée de donner à l’exposition un statut international, ce qui donna l’opportunité aux Britanniques d’organiser la première exposition industrielle internationale sous le Crystal Palace en 1851. 

Tout comme l’Angleterre, la France d’avant la Révolution avait sa part d’ingénieurs qui s’intéressaient à de nouvelles inventions bien qu’il leur manquait la confluence du capital, de l’ambition entrepreneuriale, et du marché de la classe moyenne qui facilite la transformation des inventions en innovations sociales. Nicolas-Joseph Cugnot (1725-1804), un ingénieur militaire français, a construit un tricycle à vapeur que certains considèrent comme la première véritable automobile. Avant cela, Cugnot avait conçu deux remorques à vapeur en 1769 et 1770 pour tracter l’artillerie, tout à fait indépendamment de Newcomen et de Watt. Le chariot était monté sur un Tricycle dont la roue avant assurait à la fois la fonction directionnelle et la force de traction. Bien qu’il ait beaucoup de défauts, le tricycle de Cugnot a néanmoins démontré la faisabilité du transport à vapeur. 

En 1804, Napoleon Bonaparte se couronnait Empereur Napoleon Ier. Après la fin de son règne impérial en 1815, un autre ingénieur, Marc Séguin (1886-1875), qui avait inventé le pont suspendu sur câbles, conçut une chaudière plus efficace que celle que les Britanniques utilisaient pour leurs locomotives. George Stephenson l’utilisa pour sa locomotive Rocket, qui remporta la compétition de vitesse du rail entre Liverpool et Manchester en 1829. Séguin et son frère Camille se sont aussi chargés de la première voie ferrée française entre Lyon et Saint-Étienne (1824-1833). 

Allemagne et Autriche

L’industrialisation de la Grande-Bretagne a affecté presque tous les pays du continent européen d’une manière ou d’une autre, particulièrement dans le domaine de l’extraction minière, de la production textile et de l’avènement du système manufacturier. Dans les premières années du XIXe siècle, l’Allemagne a ressenti les effets de l’industrialisation mais les conditions n’étaient pas rassemblées pour une phase de « décollage ». Néanmoins, une classe moyenne nouvelle commença à émerger parmi les rangs des propriétaires de moulin, des forgerons, des directeurs de chemin de fer, des financiers, parmi tous ceux qui trouvaient la prospérité dans une activité industrielle. 

Mobilier

Comme en Grande-Bretagne, cette classe rendit possible l’émergence de nouvelles entreprises de manufacture comme des usines de meubles pour lesquelles des modèles étaient spécialement dessinés. Parmi les meubles destinés à la classe moyenne, se détache le style Biedermeier, dont le développement fut en partie influencé par le style Empire qui suivit la Révolution française et qu’on associe au règne impérial de Napoleon I (1804-1815). Le style Biedermeier, dont le nom est un jeu de mot qui signifie « simple ou modeste Meier » (un nom générique en Allemagne), est associé à la production de mobilier domestique de 1815 à 1830, première phase avant que le style ne devienne plus décoratif dans sa seconde phase de 1830 à 1848. Le Biedermeier n’est pas, comme le Rococo, un style qui cherche à stimuler le goût pour l’extravagance de l’aristocratie. Il célèbre au contraire les vertus germaniques de sobriété et de retenue. Il ne fait pas de référence directe à de précédentes périodes historiques même si la sobriété de sa première phase rappelle le mobilier dépouillé des meubles grecs mais davantage dans leur structure que dans l’application pittoresque d’ornements. 

Le grand centre de la production de cette région était la capitale autrichienne, Vienne, bien que le style Biedermeier était aussi fabriqué dans le nord et le sud de l’Allemagne. Sa production était artisanale et était répartie dans de nombreux petits ateliers dont très peu sont identifiés. Le manufacturier le plus prolifique de mobilier Biedermeier à Vienne était la Danhauser’sche Möbelfabrik fondée par Joseph Danhauser (1780-1829), un sculpteur et ébéniste allemand émigré à Vienne au début des années 1880. Sa fabrique produisait seulement les meubles qu’il avait lui-même conçu, dont l’extraordinaire variété nous est parvenue grâce aux 2500 dessins qui sont parvenus jusqu’à nous. Parmi les pièces de mobilier fabriquées par Danhauser figurent des armoires, des bibliothèques, des commodes, des bureaux, des tables de chevet, des canapés, des fauteuils, des chaises de salle à manger, des fauteuils roulants, des repose-pieds, des miroirs, des tables de billard, des lits, des lits d’enfant et des chandeliers. Il existe des similitudes entre la fabrique de Danhauser et les ateliers de Thomas Chippendale ou d’autres ateliers londoniens, mais une différence majeure persiste : Danhauser a dessiné une gamme complète de meuble dans un style distinct alors que Chippendale et les autres firmes londoniennes travaillaient des gammes de mobilier en récupérant des styles, en fonction de ce qu’il pensaient que leur clients achèteraient. 

Russie

Quand Pierre le Grand (1672-1725) débute son règne en Russie en 1689, il reconnait la nécessité de bâtir une grande armée terrestre et maritime afin d’accroître le prestige de la Russie vis à vis de l’Occident. Pendant son voyage en Europe de l’ouest en 1697, il se familiarise avec les conditions de vie des pays occidentaux les plus avancés. Il étudie la construction navale en Hollande et en Angleterre et visite également des usines et des arsenaux. Le désir de Pierre de faire entrer la Russie dans l’industrie est avant tout guidé par des besoins militaires et il se consacre surtout à la construction de chantiers navals et d’usine de production d’armes, de munitions et d’uniformes. Il dépendait énormément d’experts étrangers et embaucha des constructeurs de navire Néerlandais, Anglais et Écossais pour construire presque la moitié de son impressionnante Flotte Baltique. Il introduisit des usines de textiles, sans aucun doute avec l’aide de l’Angleterre, pour fabriquer des vêtements militaires plutôt que pour un marché de consommation civile. 

Afin de fabriquer des armes, il développa surtout l’industrie métallurgique et vers le milieu du XVIIIe siècle, bien après la fin de son règne, la Russie avait surpassé l’Europe dans ce domaine. Pierre équipait ses soldats avec des armes à feu à platine à silex et des baïonettes et remplaça les anciens canons avec des armes nouvelles conçues par des spécialistes russes. Il crée dans ce but plusieurs usines d’armement. Pour les fournir en ouvriers et pour construire les infrastructures industrielles de la Russie, Pierre appela les paysans et les serfs, qui constituaient la majeure partie de la société russe après la noblesse et la petite classe des marchands. Sans doute en raison de son intérêt pour les bateaux et l’ingénierie militaire, Pierre avait un sens suffisant des valeurs de la conception pour recruter des experts étrangers et former son peuple à concevoir pour des besoins militaires. 

L’industrie en Russie, et par conséquent le design, ne s’est pas développée en réponse aux besoins d’une nouvelle société de consommation. Tout entier tourné vers sa volonté de moderniser le pays, il n’était pas prêt à distribuer suffisamment le pouvoir politique et économique pour permettre à une classe moyenne de croître. Par conséquent, l’activité de conception était concentrée soit sur la production militaire, soit sur la production d’objets de luxe pour l’aristocratie. En 1708, Pierre tenta pour la première fois d’établir une fabrique de porcelaine à Saint Petersbourg, mais l’expert étranger qu’il avait embaucher pour ce faire ne put pas décider de la méthode de production. Ce n’est pas avant 1749, plusieurs années après le décès de Pierre le Grand, qu’un scientifique russe, Dmitri Vinogradov (1720-1758), a fondé avec succès la Manufacture Impériale de Porcelaine, qui commença à fabriquer une série de produits comprenant de la vaisselle, des tabatières, et plus particulièrement, des figurines. En 1779, Yakov Rashett (1744-1809), professeur de sculpture à l’académie des Beaux-Arts, fut nommé designer principal. Lui et ses assistants réagirent contre la série initiale de figurines qui représentaient des personnes noires et des chinois stéréotypés, et créèrent à la place plusieurs nouvelles séries, consacrées aux habitants de la Russie. Ils dessinèrent leurs modèles à partir des recherches d’un important chercheur né en Allemagne, Johann Gottlieb Georgi (1729-1802), dont l’étude ethnographique des typologies traditionnelles de Russie fut une source d’inspiration. Au début du XIXe siècle, plusieurs manufactures de porcelaine privées ont aussi commencé à fabriquer des figurines qui représentaient des personnages typiques des villes et des campagnes, envisagés de manière romantique comme l’âme de la Russie. 

Le romantisme paysan se diffusa dans la production de service de table en porcelaine de Nikolai Pimenov (1784-1833), qui dirigea l’atelier de modelage de la Manufacture Impériale de Porcelaine de 1809 à 1831. Pimenov conçu l’ensemble du service de table officiel, appelé le service Guriev, sur commande du directeur de la Chancellerie Impériale. Le service, qui comprenait 4500 pièces, mêlait sculpture, peinture et la meilleure tradition de la fabrication de porcelaine. Il présentait une imagerie de la paysannerie russe et des figurines qui servaient de piédestal au fragiles vases, assiettes, et paniers de céramique. Les images étaient inspirées du livre de Georgi, parmi d’autres sources d’inspiration. 

Un des objets qui atteignit une vaste diffusion sur le marché fut le Samovar. Les exemplaires traditionnels sont de grandes urnes de métal, généralement en cuivre, avec un robinet à leur sommet et un tuyau en métal au milieu qui était rempli de charbon de bois ou tout autre matériau servant à réchauffer l’eau dans le récipient. Ivan Fyodorovitch Lisitsyn (dates inconnues), et son frère Nazar Fyodorovitch (dates inconnues), qui avaient appris à travailler le métal dans l’usine de cuivre paternelle, sont les premiers fabricants de samovar que l’on connaisse en Russie, bien qu’ils ne soient pas ses inventeurs. Ils ouvrirent une fabrique en 1788, où ils produisaient des samovars pour un vaste marché et d’autres fabriquent leurs emboîtèrent le pas. Bien que la plupart des samovars soient destinés à un usage populaire, quelques artisans en fabriquèrent pour la noblesse, qui étaient fabriqués en métal précieux comme l’argent et recouverts de motifs en émail colorés. 

Colonies américaines et États-Unis

Au début du XVIIIe siècle, les colonies américaines étaient toujours étroitement entrelacées avec la Grande-Bretagne, politiquement et culturellement. Les artisans coloniaux dépendaient de la Grande-Bretagne pour être informés des nouveaux styles de meubles et d’arts décoratifs, et les artisans du Nord et du Sud tentaient d’imiter les modèles britanniques. Dans le Sud, un grand nombre d’artisans étaient des esclaves qui fabriquaient des meubles, faisaient de la ferronnerie, et tout ce dont pouvait avoir besoin une plantation, certains travaillaient pour d’autres personnes sous l’égide de leur maître. 

Comme les petits commerces et les fermes commençaient à devenir plus grands, les inventeurs s’intéressèrent aux machines qui pourraient améliorer les capacités de fabrication afin de compenser la pénurie de main-d’œuvre. Ceci eu lieu principalement dans le Nord, où de nombreuses petites fabriques commençaient leur essor, que dans le Sud, où l’esclavage fournissait des travailleurs noirs pour les champs de coton et pour le commerce qu’ils pratiquaient sous la surveillance de leur propriétaire blanc. 

En juillet 1776, les colonies américaines se détachèrent de l’Empire Britannique quand le second Congrès Continental aboutit à la déclaration d’indépendance. La Grande-Bretagne n’abandonna cependant pas sa concession des États-Unis avant 1783, date de signature du Traité de Paris à la suite de sa défaite dans la Guerre d’Indépendance; 

L’invention était une activité entrepreneuriale qui valorisait la nouvelle nation. La reconnaissance de cette dernière était renforcée par le vote en 1790 de la première loi américaine sur les brevets dont l’objectif était de protéger les conceptions des inventeurs. Eli Whitney (1765-1825) est l’un des premiers inventeurs américains. Il est l’exemple type d’une nouvelle espèce qui n’est ni un bricoleur autodidacte ni un ingénieur de profession. Fraîchement diplômé de Yale, pendant qu’il visitait le Sud, Whitney entre en contact avec la culture de production de coton. Avec la mécanisation des filatures en Grande-Bretagne, les plantations américaines ne pouvaient plus satisfaire la demande croissante de coton brut parce qu’ils manquaient d’une solution efficace pour séparer les graines d’une variété de coton dont les fibres courtes poussaient à l’intérieur. 

L’égreneuse de coton, inventée par Whitney en 1793, était une boîte contenant un cylindre rotatif planté de centaines de crochets métalliques qui permettaient de séparer la fibre de coton des graines, pendant qu’une plaque de fer percée de fentes étroites retenait les graines tout en laissant passer les fibres à l’extérieur de la boîte. L’égreneuse de coton, qui pouvait être actionnée à la main, à l’eau ou à la vapeur était l’une des nombreuses inventions dont la conception reposait sur le fait d’arranger des composants mécaniques sans penser à créer une forme séduisante. Elle augmenta cependant drastiquement la production de coton, permettant même aux États-Unis d’être autosuffisants en plus de fournir les trois-quart du coton utilisé en Grande-Bretagne. L’essor de l’économie du coton a aussi ravivé et institutionnalisé le système de l’esclavage avant que les esclaves ne soient émancipés par un amendement à la Constitution des États-Unis en 1865. Après avoir inventé son égreneuse à coton, Whitney déposa un brevet et monta une usine pour la fabriquer. Malheureusement, la simplicité de sa conception rendait facile la production de copies et le brevet de Whitney fut transgressé plus d’une fois. 

Whitney retourna dans le Nord où, en 1798, suite au succès de l’égreneuse à coton, il signa un contrat pour fabriquer 10 000 mousquets en deux ans pour l’armée des États-Unis. Contrairement à d’autres fabricants qui employaient des travailleurs qualifiés qui produisaient des mousquets complets dont les éléments n’étaient pas interchangeables, Whitney conçu des machines-outils qui permettaient à des ouvriers non qualifiés de fabriquer des pièces avec beaucoup de précision à partir d’un modèle. Une pièce pouvait équiper n’importe quel mousquet, ce qui signifiait que chacune d’entre elle était interchangeable, aussi pour sa production que pour son remplacement. Cependant, le nombre des pièces interchangeables était limité et leur précision de raccordement n’était pas de 100%. Whitney fut néanmoins le premier à chercher mettre en œuvre la standardisation dans la fabrication d’objets. Des engrenages interchangeables ont ensuite été utilisés à la manufacture de montres en Suède autour de 1729, et en France, l’armurier Honoré Blanc (1736-1801), utilisa une méthode similaire pour la production de mousquets vers 1782. 

Tout comme Boulton et Wedgwood, le sens du design de Whitney embrassait l’ensemble du processus de production aussi bien que la forme finale de l’objet. Il redessina le mousquet, planifia toutes les étapes de production, développa des processus pour la fabrication de chaque partie et conçu ou acheta les machines nécessaires, en particulier une fraiseuse qui fut une contribution majeure à la technologie manufacturière. Il mit plus de dix ans à perfectionner son système de production et à honorer la commande de l’armée mais il répondit à une commande ultérieures de 15 000 mousquet en seulement deux ans. La fabrication avec des parties interchangeables devint connue sous le nom de « système américain de fabrication », bien que le politicien Henry Clay, qui inventa la formule, y voyait un sens plus large — une méthode par laquelle un groupe de citoyens qui partageait un sens des besoins et des désirs communs joignaient leurs ressources et leurs capitaux pour construire une industrie. 

Pendant que Whitney développait son système de production de masse de mousquets, d’autres s’engageaient dans des efforts similaires pour produire différents types de biens. Un autre natif de Nouvelle-Angleterre, Eli Terry (1772-1852), monta un partenariat en 1807 pour honorer un contrat de 4000 horloges en laiton livrées en 1810. Terry lança sa propre affaire et avait perfectionné en 1814 un meuble d’horloge en bois qu’il pouvait fabriquer avec des parties interchangeables et des techniques mécanisées. Il était capable d’en produire 10 000 à 12 000 par an. 

Un peu après Terry, Samuel Colt (1814-1862), un fabricant d’armes à feu, poursuivi le perfectionnement du système de fabrication avec des pièces interchangeables. Son produit était un revolver à barillet actionné par un marteau. La première affaire de Colt, où les pistolets étaient fabriqués à la main, fit faillite mais l’efficacité des revolvers lors des batailles entre l’armée et les Américains Natifs en Floride et au Texas déclenchèrent une commande du gouvernement de 1000 pistolets qui lui permit d’acheter les machines nécessaires pour la production de masse. Bien que d’autres armuriers fabriquaient des armes efficaces, l’application systématique de Colt des méthodes de production de masse lancées par Eli Whitney et les autres, en plus de l’introduction de plus de 1400 machines-outils dans son processus de fabrication, lui permit de construire la plus grande usine privée de production d’armes vers 1855. 

En réponse à la pénurie de main-d’œuvre agricole en dehors de l’économie esclavagiste du Sud, les inventeurs américains ont réalisé de grandes avancées dans le domaine de la conception de machines agricoles. En 1819, Jethro Wood (1774-1834) déposa un brevet de charrue en fonte qui était construite avec des parties standardisées et interchangeables. Mais une bien meilleure machine pour épargner le travail au moment de couper le grain, était la moissonneuse-batteuse. Obed Hussey (1792-1860) et Cyrus McCormick (1809-1884), produisirent indépendamment l’un de l’autre des versions concurrentes en 1833 et 1834. Avant de s’intéresser à la récolte du grain, Hussey avait auparavant inventé des machines pour broyer le mais et presser la canne à sucre. Sa moissonneuse fit son premier essai dans l’Ohio en 1833 alors que McCormick déposait son brevet l’année suivante. Ils se livrèrent une féroce bataille pour l’obtention du marché qui McCormick remporta finalement parce qu’il était disposé à incorporer à sa machine les perfectionnements proposés par d’autres inventeurs alors que Hussey restait figé sur sa propre conception. McCormick ouvrit une usine à Chicago en 1847 et vendit 800 moissonneuse-batteuse la première année de production.

Comme d’autres entrepreneurs, McCormick innovait dans le domaine du marketing aussi bien que dans celui de la production. Parallèlement à l’organisation de son usine, il se servait de la publicité, il faisait des démonstrations publiques, proposait des garanties à son produit et des extensions de crédit afin d’accroître les ventes. Les économies de travail permises par la moissonneuse ont eu pour conséquence de doubler les volumes de récolte des agriculteurs, ce qui est comparable aux gains de production réalisés grâce à l’utilisation de l’égreneuse de coton de Whitney. 

Les inventeurs et entrepreneurs américains s’intéressaient aussi aux progrès des moyens de transport, au vu de l’immensité de la nouvelle nation américaine et de la demande croissante de transporter des biens et des personnes d’une ville à une autre. La construction de véhicules a démarré lentement pendant la période coloniale avant de se développer rapidement comme une industrie majeure qui produisait toute une variété de véhicules tracté par des chevaux : diligences pour la campagne, omnibus pour les villes, chariots Conestoga, boguets personnels, chariots de trot, buckboards. Ce domaine de production mettait davantage l’accent sur l’aspect des véhicules que sur l’inventivité mécanique bien que de très nombreuses versions de véhicules standards soient fabriquées. 

Les premières locomotives à vapeur échelle 1 à parcourir les États-Unis ont été importées de Grande-Bretagne, parmi elles, la célèbre « John Bull » importée aux États-Unis par Stephenson et Companie en 1831 avec une adaptation spécifique, le pare-buffle, un équipement installé sur l’avant de la locomotive servant à écarter les animaux errants de la voie ferrée. Une fois le succès du chemin de fer assuré, les sociétés américaines commencèrent à construire des locomotives, fournissant des machines toujours plus grosses et plus lourdes capable de tracter des wagons plus gros et des trains plus longs sur des distances plus longues qu’en Europe. L’un des principaux constructeurs de locomotive était Matthias William Baldwin (1795-1866) qui avait pressenti le potentiel d’une nouvelle technologie et transforma une commande pour construire une locomotive miniature pour le Charles Wilson Peale’s Museum en une fructueuse entreprise de construction de véritables locomotives. La croissance rapide des chemins de fer offrait un marché disponible à la Baldwin Locomotive Works et d’autres compagnies comme la Boston Locomotive Works et la Amoskeag Locomotive Works de Manchester, dans le New Hampshire. 

La typologie des machines resta à peu près la même jusqu’au milieu du siècle, avec quelques adaptations de la chaudière et de la cheminée de Stephenson en raison de l’accroissement de la puissance et de la taille des engins. Des artisans comme les menuisiers, les ferronniers et les mécaniciens, qui avaient développé un savoir spécifique de la fabrication de locomotive sur le tas, construisaient ces véhicules. À partir des premières voitures de chemin de fer, qui étaient des corps de diligences installées sur des châssis de wagon, l’une des innovations américaine fut la beaucoup plus longue voiture de tourisme allongée à double voie des années 1830, dessinée et conçue par Ross Winans (1796-1877), directeur d’une usine de locomotive à Baltimore. 

En 1807, 30 ans après qu’Isambard Kingdom ait ouvert l’ère des voyages en mer avec son navire à vapeur Great Western en Angleterre, l’artiste et inventeur Robert Fulton (1765-1815) conçu le premier navire à vapeur qui eut un succès commercial, qui, comme d’autres bateaux fabriqués en Amérique, était prévu pour naviguer sur les cours d’eaux intérieurs plutôt que sur les mers. Un inventeur anglais, William Symington (1763-1831), avait équipé un bateau d’une machine à vapeur en 1787 et un américain, John Fitch (1743-1798), construisit un bateau à vapeur qui fit une navigation d’essai à Philadelphie la même année. Mais aucun d’entre eux n’eut les moyens de transformer ces navires d’essai en un bateau commercialisable. Fulton, qui s’essayait à la conception de sous-marins, se prit d’intérêt pour l’ingénierie marine pendant un voyage en Grande-Bretagne. Son premier bateau combinait une roue à aube latérale à une machine à vapeur d’origine française. Il en fabriqua rapidement une version améliorée qui comprenait une roue à aube de chaque côté et était propulsée par une machine à vapeur plus puissante achetée à James Watt et Matthew Boulton. Le Clermont, ainsi que le baptisa Fulton, fit le voyage entre New York et Albany en 32 heures, bien plus rapidement que les quatre jours que mettait un sloop à accomplir le même voyage. 

Après Fulton, le développement des bateaux à vapeur emprunta deux directions, soit construire des bateaux plus rapides, soit construire des bateaux plus gros comme les bateaux à aube et à vapeur qui ont commencé à sillonner le Mississipi et autres cours d’eau. Les propriétaires des plus gros bateaux embauchaient des décorateurs d’intérieur pour créer des salons qui ressemblaient à des halls d’hôtel. Des artistes étaient aussi sollicités pour décorer les bateaux de peintures très détaillées. 

Les initiatives réussies de Whitney, Terry, Colt, McCormick, Fulton et autres inventeurs-entrepreneurs américains dans la deuxième partie du XVIIIe siècle et la première partie du XIXe siècle ont suivi le modèle entrepreneurial établit par Watt, Boulton et Wedgwood. Elles ont en retour servi de modèle pour de nombreux autres américains qui cherchaient des moyens de transformer des démarches d’invention en commerces viables. En 1816, la American Society of Domestic Manufacture fut créée à New York pour encourager les coopérations entre les manufacturiers, les marchands, les scientifiques et autres afin de développer l’industrie américaine. D’autres encouragements naquirent de la création du American Institute of the City of New York, qui organisait des expositions de machines et de biens de consommation et s’occupait d’une bibliothèque et d’une collection de maquettes. À Boston, la New England Society for the Promotion of Manufactures et le Mechanic Arts s’organisèrent pour monter une exposition d’inventions, de machines, et d’expérimentations scientifiques nouvelles et utiles et récompenser les compétences mécaniques et l’ingéniosité. 

Ces organisations initiées par des citoyens étaient la preuve d’une reconnaissance généralisée que l’invention et l’entrepreneuriat étaient pourvoyeurs d’opportunités économiques. À l’exception de la Grande-Bretagne, qui avait lancé ce type d’initiatives, la large participation des citoyens au développement économique national était, pour diverses raisons, extrêmement rare parmi les autres nations du monde. Bien que ces organisations citoyennes ne comprenaient pas encore de personnalités officiellement appelées « designers », leur attention particulière au développement des « arts mécaniques » ont préparé le terrain pour une définition du design basée sur la relation entre les arts mécaniques et les beaux-arts que William Dunlap décrit dans son livre de 1834, History of the Rise and Progress of the Arts of Design in the United States, quand il déclare que « le peintre, le sculpteur, le graveur et l’architecte, reconnaitrons tous leurs devoirs envers les arts mécaniques, et le mécanicien sera ravi de savoir qu’il a aidé les arts du design à atteindre leur présent stade de perfection. »

The decorative work of Robert & James Adam; being a reproduction of the plates illustrating decoration & furniture from their “Works in architecture”, 1778-1812
The works in architecture of Robert and James Adam, Vol. 1, Esquires, 1778.
The works in architecture of Robert and James Adam, Vol. 2, Esquires, 1778.
Thomas Chippendale, The gentleman and cabinet-maker’s director: being a large collection of the most elegant and useful designs of household furniture, in the most fashionable taste, 1762.
A. Hepplewhite and Co, The cabinet-maker and upholsterer’s guide; or, repository of designs for every article of household furniture, in the newest and most approved taste, 1794
Thomas Sheraton, The cabinet-maker and upholsterer’s drawing-book : in three parts, 1793

Histoire du design, Ressources, Traductions