Henry Van de Velde est né en 1863 à Anvers. Avant d’être l’architecte le designer et le théoricien de l’Art Nouveau que l’on connaît, Van de Velde était peintre. Après ses études, il s’oriente vers une peinture réaliste figurant des paysages, des portraits et des scènes agricoles. En 1888, il devient membre du groupe bruxellois d’avant-garde Les XX. L’année précédente, il avait vu lors de leur salon le tableau de George Seurat, Un Dimanche après-midi à l’île de la Grande Jatte qui l’influencera considérablement et fera évoluer sa peinture vers le pointillisme.
Il expose dans ce groupe aussi fermé qu’influent aux côtés de Rodin, Toulouse-Lautrec ou Van Gogh. Sous l’influence de ce dernier, sa peinture adopte une structure plus linéaire et une tendance vers l’abstraction
Profondément marqué par les idées anarchistes et socialistes, il abandonne définitivement en la peinture de chevalet en 1893. Il estime qu’elle ne lui permet pas de mettre en pratique son désir de mettre l’art à la portée de tous et de créer les environnements quotidiens harmonieux qui manquent si cruellement à son époque. Il lit William Morris et John Ruskin, Nietzsche et la littérature anarchiste ; il découvre et apprécie le travail de Christopher Dresser ou Edward William Godwin. Sous son influence, Les XX avaient déjà introduit pour la première fois dans leur salon de 1891 du graphisme et des ouvrages de métiers d’art, jusque là considérés indignes d’y figurer. 1893 est une année charnière : il rencontre Maria Sèthe, qu’il épousera l’année suivante et produit son premier chef d’œuvre dans le domaine des arts appliqués, La Veillée des Anges. La même année, Victor Horta construit l’Hôtel Tassel, considéré comme un marqueur de la naissance de l’Art Nouveau.
Il partage notamment avec Maria son intérêt pour les Arts & Crafts, qu’elle connaît d’ailleurs mieux que lui, puisqu’elle est allée en Angleterre dans la boutique de Morris avant leur rencontre d’où elle a ramené des objets et des échantillons.
Peu après leur mariage, en 1895, le couple se consacre à la construction de Bloemenwerf, leur habitation personnelle, restée célèbre dans l’histoire de l’architecture moderne. Sous ses airs paisibles et campagnards, la maison devient un lieu de rendez-vous incontournable de l’avant-garde artistique. Henry et Maria Van de Velde y reçoivent par exemple l’influent critique d’art allemand Julius Meier-Grafe et le marchand d’art Siegfried Bing qui contribueront à la faire connaître en France et en Allemagne.
« Tel une traînée de poudre, le nom de Van de Velde surgit dans les colonnes des grands journaux allemands et dans les comptes rendus des plus éminents critiques. Du jour au lendemain, je disposais en Allemagne d’une célébrité qui allait s’étendre et amener au Bloemenwerf un pèlerinage de visiteurs désireux de s’entretenir avec cet apôtre de la rupture avec les styles. »
Henry Van de Velde sur sa percée en Allemagne dans ses mémoires, 1897.
Van de Velde reçoit à partir de la toute fin du siècle de nombreuses commandes de riches berlinois, qui veulent un intérieur de ce style dit « nouveau » qui se répand. Il produit des objets, des bijoux, du papier-peint, du mobilier. C’est notamment pendant cette période qu’il produisit son fameux bureau dit « haricot ».
En 1902, il est contraint de s’installer en Allemagne pour des raison professionnelles et financière.
Il séjourne pendant une courte période à Berlin puis s’installe à Weimar.
Le comte Harry Kessler, alors rédacteur en chef de la revue Pan rencontré à Berlin, le soutient auprès du Grand Duc de Saxe-Weimar. Kessler défend auprès du Grand Duc l’idée de faire de Weimar un bastion du « style nouveau » et présente ainsi le travail de son ami comme un atout considérable.
Van de Velde devient en 1902 conseiller pour l’artisanat et la petite industrie pour la province de Weimar. Il est alors un personnage renommé, les commandes affluent. Mais il ne travaille que pour de riches commanditaires, ce qui ne cadre pas avec ses idées socialistes.
Depuis 1902 cependant, il donnait un séminaire sur les métiers d’art, qui avait pour but de rapprocher les artistes de l’industrie et ainsi de favoriser la production d’objets beaux et accessibles. Ce séminaire se transforme en 1906 en une École d’Arts Décoratifs, ce qui lui permet aussi de mener des activités plus conformes à ses idéaux.
À partir de 1910, la situation de van de Velde devient plus incertaine. Harry Kessler a du quitter son poste de directeur du Musée Grand ducal et ne peut plus exercer son rôle de protecteur.
Pendant la guerre, Van de Velde a du mal à travailler en Allemagne. Son statut d’étranger le place en posture difficile pendant la guerre. En 1915, il est démis de ses fonction de directeur de l’École des Arts Décoratifs. On lui demande de désigner un successeur. Ce sera Walter Gropius, qui fondera alors le Bauhaus en 1919.
Van de Velde s’exile en Suisse où, sans commande, il se consacre à l’écriture de ses théories architecturales (ce travail est d’autant plus important pour lui qu’il n’a pas de formation d’architecte).
En 1919, il est approché par les Kröller-Müller, un riche couple d’industriels hollandais qui souhaite construire un musée pour abriter sa collection de peinture moderne. Il s’installe en Hollande pour se consacrer entièrement à cette tâche. La construction du Musée connut de nombreux contretemps mais il fut finalement édifié en 1938, longtemps après le départ de van de Velde.
En 1925, il saisit l’occasion qui lui est donnée de retourner dans sa Belgique natale pour occuper un porte de professeur à l’Université de Gand. L’année suivante, il fonde et prend la direction de l’institut Supérieur des Arts décoratifs de Bruxelles sur le site de l’Abbaye de La Cambre, dont elle gardera le nom.
Van de Velde jouit pendant cette période alors d’une grande renommée. Il réalise en 1939 la bibliothèque de l’Université et de la Faculté d’histoire de Gand et dirige la construction des pavillons Belges des Expositions internationales de Paris et New York en 1937 et 1939.
Pendant l’occupation de la Belgique par l’Allemagne, il continue de travailler pour le service de la restauration et la protection des monuments, ce qui lui vaudra d’être accusé de collaboration. Sa réputation est gravement ternie.
Après le décès de Maria en 1947, il s’exile à nouveau en Suisse où il vivra avec sa fille jusque’à sa mort en 1957.
ÉCRITS
Van de Velde pense très tôt que l’Utile n’exclue pas le Beau mais que ces deux notions s’influencent réciproquement. Selon lui, la parfaite adéquation entre la forme et la fonction conduisait toujours à la beauté.
Si l’Utile et le Beau ne s’excluent plus l’un l’autre, alors, la hiérarchie entre Beaux-Arts et Arts Décoratifs n’a plus lieu d’être. Van de Velde fait remonter cette rupture entre Beaux-arts et Arts décoratifs à la Renaissance, pendant laquelle l’unité médiévale des arts s’est défaite. La peinture de chevalet qui se développe à cette époque a selon lui contribué à affranchir l’œuvre d’art de son environnement et détruit l’unité entre l’habitat de l’homme et l’usage public de l’art. Le tableau serait alors devenu un objet de plaisir et de commerce, supplantant les Arts décoratifs, désormais considérés comme des « arts mineurs », dans leur rôle de magnifier l’environnement quotidien. Ce phénomène a par la suite été aggravé pendant la Révolution Française en guillotinant les détenteurs du « bon goût » et en interdisant les corporations d’artisans »*, rompant ainsi la continuité de l’évolution des styles qui débouche sur la cacophonie stylistique caractéristique du XIXe siècle.
Cette manière de penser l’art a une autre conséquence : celle qui a conduit son auteur à abandonner la peinture pour s’orienter vers les arts appliqués pour ne plus travailler que pour le connaisseur aisé mais pour atteindre un large public.
Enfin, Van de Velde critique l’ornementation figurative et surchargée de son époque. Il pense que ce qui génère le Beau dans l’Utile n’est pas l’ornement figuratif et surchargé, incohérent et mensonger (son seul but est d’impressionner par son faux luxe), mais la présence de la « ligne ».
« Pourquoi la ligne semblait-elle vitale ? Parce que, selon la théorie de van de Velde, la ligne possédait sa propre force, laquelle guidait la main de l’artiste, mue par le tempérament ou par l’ambiance, par une image de la nature ou le modèle d’un objectif à remplir, mais en fin de compte, selon ses propres termes, « par une puissance inconsciente». L’artiste citait – et c’était son exemple favori – l’instant lointain où pour la première fois un homme enthousiaste avait suivi du bout du pied la marque sans cesse renouvelée des vagues sur le sable. »*
* Alexandre Kostka, « Un Don Quichotte contre la laideur : Henry van de Velde », Germanica, n°37, 2005.
* Thomas Föhl, Sabine Walter, Henry Van de Velde : Passion, fonction, beauté, 01 édition, 2013, p. 215.
Plus tard, il écrira aussi :
« L’ornementation n’est soumise qu’aux lois imposées par le but qu’elle s’assigne : l’harmonie et l’équilibre. Elle n’a pas la tâche de représenter quelque chose, elle doit avoir la liberté de ne rien représenter, puisque, sans cette liberté elle ne pourrait exister. »*
* «Das neue Ornament », Die Renaissance im modern Kunstgewerbe, Bruno & Paul Cassirer, 1901, p. 103.
« Déblaiement d’art », La société nouvelle, Revue internationale: Sociologie, arts, Sciences, Lettres, Année X,
Tome 1 (1994), p. 444-456. Texte de la conférence donnée par l’auteur au cercle de La Libre
Esthétique le 6 mars 1894. Texte numérisé disponible sur Gallica/BNF.
« Du paysan en peinture », L’art Moderne n° 8 (22 février 1891), p. 60-62. Extrait de la conférence donné par l’auteur au Salon des XX le 19 février 1891. Document numérisé disponible sur la Digithèque de l’Université Libre de Bruxelles.
« Première prédication d’art », série de trois conférences tenues dans le grand auditoire de l’Académie royale d’Anvers entre décembre 1893 et janvier 1894.
Texte de la première conférence, L’Art moderne n° 53, décembre 1893 ;
Texte de la deuxième conférence, L’Art moderne n°3, janvier 1894 ;
Texte de la troisième conférence, L’Art moderne n° 53 janvier 1894.
Documents numérisés disponibles sur la Digithèque de l’Université Libre de Bruxelles.
Œuvres, travaux et réalisations.
On distingue habituellement quatre périodes dans le travail de van de Velde qui correspondent en fait aux lieux où il vécut.
* Belgique (jusqu’en 1902)
* Allemagne (jusqu’en 1917)
* Suisse et Hollande (jusqu’en 1925)
* Belgique
Première Belgique (jusqu’en 1902)
1892-1893
Après son abandon de la peinture Van de Velde réalise ses premiers travaux dans le domaine du graphisme et de l’imprimé.
« Les Arts décoratifs au Salon des XX », L’Art Moderne n°9, février 1893.
1894
Il écrit Déblaiement d’art (Source : gallica.bnf.fr / BnF).
Il commence à créer des bijoux pour sa famille et ses amis
1895
Exposition dans la galerie L’Art Nouveau à Paris
Commence à créer des tissus pour l’usine Krefeld
Construction de la Bloemenwerf
Construire et habiter une maison à son image, porteuse des valeurs esthétiques et sociales de ses habitants est l’un des moteurs de la Modernité architecturale.
C’est pourquoi une attention particulière est souvent portée aux habitations que les architectes construisent pour eux-mêmes et leur famille, car elles ne subissent pas l’influence d’un commanditaire extérieur.
Van de Velde a bâti quatre maisons pour lui même et sa famille au cours de sa vie : Haus Hohe Pappeln à Weimar (Allemagne), De Tent, une maison en matériaux préfabriqués à Wassenaar (Hollande), La Nouvelle Maison à Tervuren, lorsqu’il rentre en Belgique et la première et la plus connue d’entre elles : Bloemenwerf à Uccle, en Belgique également.
Peu après le mariage de van de Velde avec Maria Sèthe, la mère de cette dernière offre au jeune couple un terrain en leur demandant d’y construire une maison selon les principes esthétiques et sociaux qu’ils défendent.
La principale source d’inspiration de van de Velde, pour cette « maison de campagne » (c’est ainsi qu’elle est qualifiée dans le permis de construire) est Charles Francis Annesley Voysey, à qui il emprunte l’image du cottage avec son alignement de pignons, ses façades enduites, ses volets verts, ses bancs encadrant l’entrée, les tonneaux pour recueillir les eaux de pluie, etc.
Vue en plan, la maison a la forme d’un hexagone irrégulier formé d’un cœur central occupé par le hall sur deux étages et surmonté d’un landerneau, autour duquel se distribuent les autres espaces de vie de la maison.
Cette organisation fait délibérément disparaître la hiérarchie des espaces de l’habitation bourgeoise (qui se retrouve déclinée plus librement dans les maisons de campagne), pour faire toute la place à une vie domestique centrée sur la production artistique.
La mise en espace de la maison était largement secondée par les couleurs et les harmonies qui faisaient l’objet d’une grande attention de la part d’Henry et Maria, tous deux adeptes des théories scientifiques sur lesquelles s’appuyaient les néo-impressionnistes.
La maison abrite aussi les tableaux et objets d’art collectionnés par le couple.
Aux murs, des peintures de Seurat, Signac et Van Gogh, et le grand portrait de Maria par Theo Van Rysselberghe.
Les planchers sont simplement vernis, les boiseries en bois clair. Le mobilier et les moindres détails comme les quincailleries en laiton sont comme il se doit également conçues par van de Velde.
Les modèles dits Bloemenwerf furent exposés à la Libre esthétique au printemps 1896 puis déclinés en diverses variantes qui connurent un vif succès jusqu’en 1900.
Dans sa passion du détail et de l’harmonie totale, Van de Velde est allé jusque’à dessiner les robes de sa femme. Cette initiative peut nous sembler choquante aujourd’hui mais la lecture des textes sur la vie de Vvan de Velde peuvent laisser penser que Maria était largement complice de cette « instrumentalisation » dans le sens où elle postulait l’abolition du corset et des connotations sociales de la mode.
Sous ses airs campagnards, la maison est construite en intégrant les dernières innovations de confort et d’hygiène (ventilation, isolation, sanitaires, éclairage, etc.).
1897
Collabore à la section du Congo de l’Exposition Internationale de Bruxelles.
Eberhardt von Bodenhausen, un entrepreneur et éditeur de la revue artistique Pan, lui demande de concevoir les affiches, emballages et papiers pour sa firme Tropon qui produit des suppléments de protéines.
1898
Décoration intérieure de l’Hotel Otlet (architecte Octave Van Rysselberghe)
Weimar (jusqu’en 1917)
1902
Son arrivée à Weimar est marquée par une rupture stylistique. Van de Velde s’éloigne de la ligne courbe et du volute pour s’orienter vers des formes plus géométriques.
Maison Esche, Chemnitz
Maison d’Elisabeth Förster-Nietzsche
Archives Friedrich Nietzsche, Weimar
Intérieurs du Sanatorium de Trzebiechów
1906
Fonde une École des Arts et Métiers (il la dirige jusqu’en 1914, elle est dissoute en 1915) dont il conçoit également les bâtiments.
« L’école que je venais de créer à Weimar et sur laquelle flottait le drapeau de l’insurrection était la citadelle la plus avancée des nouveaux principes artistiques. (…) Il régnait là une atmosphère intense, stimulante et pure. (…) Jeunes hommes et jeunes filles revêtaient, sans exception, le tablier blanc que les médecins et infirmières portent dans les hôpitaux. Le moindre objet créé dans nos ateliers était traité avec les mêmes soins et précautions d’hygiène que les nouveaux-nés ; il était accueilli avec la même joyeuse satisfaction que l’enfant qui vient au monde ! « Au programme de l’école, il n’y avait ni cours d’histoire de l’art, ni cours d’histoire de styles. (…) Tout recours à la nature – ou plutôt à des éléments naturalistes – est incompatible avec la création de la forme pure. Celle-ci est le résultat de la seule conception rationnelle. »
Extrait des Mémoires de Van de Velde cité par Anne Van Loo dans Henry van de Velde à l’exposition du Deutscher Werkbund (Cologne 1914) : la collaboration des artistes à la production industrielle.
Construction de sa résidence privée Haus Hohe Pappeln à Weimar
Villa Hohenhof, pour Karl Ernst Osthaus à Hagen.
Anne Van Loo écrit à propos de ces maisons : « Ses recherches architecturales expriment l’abandon définitif de l’Art Nouveau au profit d’un nouveau monumentalisme, comme dans l’Ecole des beaux-arts de Weimar (1902-1911). En même temps, l’exploration des sources de l’architecture régionale fait de lui un architecte sous influence, qui voit dans ce que l’on peut appeler un expressionnisme avant la lettre, une troisième voie possible entre l’historicisme et le modernisme. Cette voie, van de Velde l’exploite dans sa maison personnelle à Weimar, les Hohe Pappeln (1906). Mais la réalisation qui traduit le mieux cette quête du monumental et l’exploration de l’architecture vernaculaire est la villa édifiée à Hagen, et aujourd’hui transformée en musée, qu’il construit pour Karl Ernst Osthaus. À l’intérieur, le dépouillement du décor et la sobriété dans l’usage des matériaux même les plus rares donnent à l’ensemble une modernité inattendue, qui préfigure le langage épuré du Modernisme à une époque où l’Art nouveau connaît toujours un réel succès.»
1914
Exposition du Deutscher Werkbund
En juillet 1914, le Werkbund organise à Cologne des expositions et un congrès dont l’objectif est de dresser le bilan de sept années d’activité et de montrer comment l’Allemagne a contribué à l’évolution du goût en matière d’architecture et d’arts décoratifs.
La virulence de l’opposition de van de Velde à la tendance officielle du Werkbund n’en font pas un invité particulièrement désiré. Il ne finira par être convié que grâce à l’insistance de son ami Karl Ernst Osthaus. On lui confie d’abord la construction d’un cinéma sur un terrain coincé, faute de place, entre les deux ailes de la Farbenschau, le vaste édifice que doit précisément construire Muthesius. Tous les avant-projets de van de Velde excèdent bien entendu le terrain cerné qui lui a été attribué. Il renoue à cette occasion avec ses recherches de scène tripartite. Le comité, séduit par l’idée d’un théâtre expérimental, lui attribue un autre terrain plus vaste et mieux situé sur lequel van de Velde érigera son théâtre à la façade expressionniste flanquée de ses deux yeux.
Le théâtre reçu des spectacles jusqu’en août 1914, servit aux troupes française en 1918 puis, délabré, fut démoli en 1920.
Pour plus de détails sur l’architecture du bâtiment, lire Anne Van Loo, Henry van de Velde à l’exposition du Deutscher Werkbund (Cologne 1914) : la collaboration des artistes à la production industrielle.
Un historique du Deutscher Werkbund est accessible ici
Suisse et Holande (jusqu’en 1925)
1917
Écrit Formules d’une esthétique moderne (attaque la surabondance décorative en architecture)
1918
Écrit La triple offense de la beauté (plaide en faveur d’une esthétique plus rationnelle)
1919
S’installe en Hollande suite à la demande d’un couple de collectionneurs de peinture moderne, les Kröller-Müller, de construire un musée à Hoenderloo pour abriter leur collection. Van de Velde travailla en Hollande sur cette commande jusqu’en 1925. En raison de problèmes de financement le Musée ne put être réalisé qu’en 1938 dans la ville voisine d’Otterlo.
« Dès 1910, Hélène Kröller avait été impressionnée par la villa construite en 1903, du docteur Leuring, conçue par Henry van de Velde. L’architecte Belge est invité pour discuter des plans. Madame Kröller s’enthousiasme pour lui et pour ses oeuvres. Le 29 octobre, elle écrit à Sam van Deventer : « Berlage est le calviniste hollandais et van de Velde a du sang français dans les veines. Il tend plus vers le musical, l’abstrait, alors que Berlage (…) est plus austère dans le choix de son matériel. Van de Velde construit de la musique, Berlage vous impose des murs. » (S. van Deventer, Kröller-Müller, De geschiedenis van ben culturel levenswerk, Kröller-Müller, Histoire de l’oeuvre culturelle de toute une vie, Haarlem, 1956.)
[L’architecte Hendrik Petrus Berlage avait également été approché pour la construction du bâtiment, ainsi que Peter Behrens et Ludwig Mies van der Rohe dont les projets avaient déjà été écartés.]
Henry van de Velde conclut avec la firme Wm.H. Müller et Co. et avec les époux Kröller un contrat de deux ans ; leur collaboration devait durer six ans.
Pour le domaine de la Veluwe, van de Velde conçoit un musée gigantesque qui fait penser quelque peu à une casemate et qui est évalué, en 1920, et compte non tenu des terrasses, à six millions de florins. La construction est interrompue en 1922 à la suite de la crise générale. Jusqu’en 1926, et contre toute chance de voir ses projets se réaliser, van de Velde continue, à la demande de madame Kröller, d’élaborer tous les détails sur le papier; le musée actuel possède au moins mille dessins jamais exécutés. Pour les époux Kröller, van de Velde construira en 1930 la villa Groot Haesebroak à Wassenaar.
En vue de sauver en cas de nouvelle crise économique le domaine de la Hoge Veluwe, le pavillon de chasse Saint-Hubert et la collection destinée à la collectivité, la fondation Kröller-Müller est créée en 1928 : celle-ci fait don de la collection à l’État, à condition que celui-ci, dans un délai de cinq ans; charge Henry van de Velde de la construction d’un musée.
En 1937 est construit enfin, après quatre projets préalables jamais exécutés, le « musée de transition » d’Henry van de Velde, considéré comme abri provisoire pour la collection. Le plan reflète avec une grande pureté la composition de la collection. À l’entrée se succèdent six cabinets de peintres réalistes précédant Van Gogh. Au cœur du bâtiment se trouve la collection Van Gogh disposée autour d’un espace intérieur; le musée possède deux cent soixante-treize œuvres de sa main, qui ne sont pas toutes exposées simultanément. Les cabinets suivants sont consacrés aux idéalistes. Comme Henry van de Velde renonce à toute ornementation, l’architecture se trouve entièrement au service des oeuvres d’aride ce point de vue, le musée devait être un modèle pour d’autres architectes.
Un peu contre son gré, van de Velde accepta que le musée fut agrandi vers l’arrière, où fut ajoutée une énorme salle, destinée à l’exposition de sculptures (…). En 1953, à l’âge de quatre-vingt-dix ans, Henry van de Velde quitta (…) sa résidence d’oberägeri, en Suisse, pour effectuer une visite d’inspection et d’adieu au musée agrandi presque achevé. Le « musée de transition » fut restauré de 1970 à 1972, sur quoi il fut déclaré monument national »
Extrait de José Boyens, « Le Musée national Kröller-Müller », Septentrion, 9è année, 1980.
Traduit du néerlandais par Willy Devos.
Retour en Belgique
1925
Nommé professeur à l’Université de Gand
1926
Crée l’institut Supérieur des Arts décoratifs à Bruxelles — La Cambre — dont il prend la direction.
1927
Construction de son habitation personnelle : La nouvelle maison à Tervueren.
1933
Commande du bâtiment de la bibliothèque de l’Université et de la Faculté d’histoire de Gant (ne sera réalisé qu’en 1939).
1933
Conseiller artistique pour les Chemins de fer Belges dans le cadre de projets pour de nouvelles gares ou de l’aménagement intérieur des wagons.
Équipement du cabinet de travail du roi Léopold III
1937
En collaboration avec Jean – Jules Eggerieux et Raphaël Verwighl, réalise le pavillon belge à l’exposition universelle de Paris.
Structure métallique recouverte de terre cuite et de verre. Forte influence du fonctionnalisme mais utilisation de ressources régionales.
Article de la revue La construction moderne du 4 juillet 1937.
Le Pavillon de la Belgique
par MM. EGGERICX et VERWILGHEN, Architectes
Collaborateurs français: MM. Raymond ROUSSELOT, SOUPRE et DEPERTHES, Architectes S.A.D.G.
« La participation de la Belgique fut la première achevée et la première inaugurée.
Le Pavillon Belge, situé sur la rive gauche de la Seine, à l’angle du quai d’Orsay et du pont d’Iéna, s’étend sur une surface de 4.000 mètres carrés et enjambe l’avenue ménagée sur le quai d’Orsay. Bien loin de constituer une difficulté pour nos Confrères Belges, cette disposition particulière du plan les a incités à prendre des dispositions qui accusent et amplifient le caractère monumental de leur participation à l’Exposition de 1937.
C’est ainsi que le terrain limité par la berge de la Seine et l’avenue longeant le quai a été disposé en salle d’honneur, largement ouverte sur la Seine, splendidement lumineuse et largement dégagée par un vaste balcon sur lequel elle ouvre par une succession de portes vitrées.
Au contraire, la seconde surface, située sur l’autre côté de l’avenue, et placée au pied de la Tour Eiffel, est plus particulièrement aménagée en hall de présentation, disposé autour d’un patio central d’un agréable effet.
Nous n’entreprendrons pas ici d’entrer dans le détail de ce plan très heureux dont, par ailleurs, nous donnons la reproduction, ce qui permettra à nos lecteurs de juger par eux-mêmes des effets de perspective obtenus par les dispositions respectives des différents éléments, et cela particulièrement dans la construction sur les rives de la Seine. Si la surface construite est de 4.000 mètres carrés, la surface d’utilisation obtenue est de 6.000.
Le sens de circulation parfaitement déterminé permet au visiteur une vision totale des différentes manifestations de l’activité belge. On entre dans le pavillon par un vestibule largement ouvert et décoré de faïences ornementales d’un très bel effet. Dès ce vestibule franchi, le Visiteur pénètre dans un Grand Hall d’Honneur, lambrissé de marbre noir, décoré de fort belles tapisseries évoquant le Folklore Belge, et d’un grand motif axial, exécuté en cuivre par les « batteurs de cuivre » MM. Jacques Frères, d’après une maquette d’Oscar Jespers. Cette œuvre unique en son genre symbolise les grandes sources de richesse de la Belgique.
Ce Hall d’Honneur se complète d’une vaste rotonde demi-circulaire, décorée de bois du Congo Belge. Cette salle, par ses dispositions et ses immenses vitrages, complète parfaitement le hall avec lequel elle se compose, et met pleinement en valeur une intéressante exposition des merveilleuses réalisations de l’art artisanal belge : cristaux, livres, laques, émaux, dentelles, etc.
Sur le côté, et face au grand motif en Dinanderie, s’ouvre une serre où sont exposés les fleurs et les fruits les plus éblouissants. L’aile du Pavillon, situé sur l’autre côté de l’avenue, d’ailleurs en communication directe avec l’aile principale par une galerie qui enjambe l’avenue, est plus spécialement réservée aux produits de demi-luxe. Les meubles, les tapis, la céramique, l’argenterie, des ensembles, l’art religieux, y sont abrités et très agréablement présentés.
Une taillerie de diamants fonctionne enfin sous les yeux des visiteurs, qui ne sauraient oublier que ce travail est une grande spécialité de la Belgique.
Le Pavillon de la Belgique, par la discrétion de sa décoration, par les effets monumentaux qui sont tirés de la seule mise en valeur des matériaux utilisés, harmonisés suivant un rythme à la fois rigide et d’une très agréable composition, constitue une réussite parfaite et peut-être même un modèle du genre.
Les Façades tirent tout leur caractère des vastes effets horizontaux des verrières, soulignés par des pierres blanches que vient mettre en valeur le fond rouge des parois en terre cuite. La franchise du parti est nettement accusée en façade et nos lecteurs pourront juger combien cette disposition est agréable et l’heureux jeu de lumière que donne sur la Seine le Pavillon Belge illuminé.
Qu’il nous soit permis de remercier et de féliciter ici MM. Eggericx et Verwilgen qui, avec le concours de leurs Confrères MM. Marcel Schmitz et Edmond de Bruyn, réalisateurs de la section du Tourisme et de l’Art Religieux, ont conçu et édifié, sous la direction de M. Henri Van de Velde, Président du Comité Technique, le très beau Pavillon qui représente la Belgique à l’Exposition de 1937, nos Confrères Raymond Rousselot, Soupre et Deperthes, Architectes S.A.D.G., prêtant leur concours au titre du Commissariat général.»
1939
Participe à l’aménagement du pavillon belge à l’exposition universelle de New York. Jean-Jules Eggericxs et Raphaël Verwilghen.
BIBLIOGRAPHIE
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