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Les origines du design

PETITE ÉTYMOLOGIE DU MOT «DESIGN»

LES ORIGINES DU DESIGN SONT DIFFICILEMENT IDENTIFIABLES EN UN POINT PRÉCIS ET PARTAGÉ PAR TOUS.

L’origine du design n’est pas identifiable en un point unique. Tout comme l’histoire du design, elle ne répond pas à une forme monolithique et linéaire, mais relève plutôt d’un faisceau international complexe de pensées et de productions différentes et parfois contradictoires. C’est pour cette raison qu’il semble peu pertinent de commencer l’histoire du design par un objet, aussi génial et déterminant soit-il. Cela explique également que, depuis la parution de Pionners of the Modern Movement de Nikolaus Pevsner en 1936, la date habituellement retenue pour marquer la naissance du design est finalement celle de son envers, soit celle de l’exposition universelle de Londres de 1851. En effet les annales du design ne souviennent d’aucun objet directement lié à cet événement (si l’on excepte le Crystal Palace, qui abritait les productions exposées, et qui, bien que d’ordre architectural, trouve sa place dans les histoires du design). Selon ce point de vue, ce qui marque la naissance du design est le constat de l’absence du design et de sa nécessité issu d’un regard critique sur l’ensemble d’une société et de son évolution. Cette généalogie confirme le fait que le design et l’histoire du design ne se réduisent ni à la production d’objets, si séduisants ou utiles soient-ils, ni à leur inventaire chronologique mais qu’il s’agit avant tout d’une pensée et d’un regard sur le monde qui apparaissent conjointement à l’industrialisation et au développement du mode de vie urbain qui l’accompagne.

C’EST UN SUJET QUI PRÊTE À DISCUSSION ET QUI PERMET DE SE POSITIONNER.

Victor Margolin, World History of Design, Bloombury, 2015.
Dans l’introduction de cet ouvrage, Victor Margolin explique pourquoi il a choisi d’écrire une histoire du design beaucoup plus étendue d’un point de vue historique et géographique que les histoires du design conventionnelles. Cette démarche relève d’un positionnement qui implique une manière spécifique de concevoir le design.

DIVERSES PROPOSITIONS TROUVÉES DANS DES HISTOIRES DU DESIGN

Ciseaux de ménage (1663), Design 999 objets cultes, Phaidon / Le Monde, 2006.
Ford T (1908), Raymond Guidot, «Bref historique du design» pour la Lettre de l’Académie des Beaux-Arts.
[http://www.academie-des-beaux-arts.fr/lettre/dossier_lettre68/Bref_historique_du_design.html]
Pont de Coalbrookdale (1779).
Revolver de Samuel Colt (1835), «fiche repère Design» en Histoire des Arts du Ministère de la Culture et de la Communication
[https://www.histoiredesarts.culture.fr/reperes/design]
Crystal Palace (1851), la plupart des histoires du design dont la séminale Les sources de l’architecture moderne et du design de Nikolaus Pevsner (1936).
Catharine Beecher, Treatise on Domestic Economy, 1841 (perspective politique et utopique développée par Alexandra Midal dans Design, Introduction à l’histoire d’une discipline, 2009)
Haches en pierre taillée (-500000 -300000), Victor Margolin, World History of Design, 2015.
Maisons Shakers (1833), Ronan Kerdreux
[http://www.studiolentigo.net/?p=3905]
Chaise Thonet n°14 (1859), Frise chronologique de l’histoire du design proposée par Jeanne Brun, commissaire de l’exposition Histoire des formes de demain, Cité du design.
[https://www.citedudesign.com/ressources/chronologie/]

CEPENDANT, LA RÉVOLUTION INDUSTRIELLE CONSTITUE UN JALON INDISCUTABLE DANS L’HISTOIRE DU DESIGN ET EN MODIFIE CONSIDÉRABLEMENT LA DÉFINITION ET LES APPROCHES.

« Où bien le design n’existe pas, ou bien il a toujours existé. La première femme de la préhistoire qui a fait un
collier avec des coquillages fait du design. (…) Tout est design, c’est une fatalité. (…) Ensuite, il y a ce que l’on
nomme le design industriel. Cela est très récent, un siècle tout au plus. L’industrie, c’est la machine, et donc la
possibilité de produire énormément d’objets identiques. Une fois que l’usine est pleine de ces produits, il faut
les vendre. Donc convaincre les gens de les acheter. C’est une structure culturelle complètement nouvelle : le
design a d’un seul coup à voir avec le marché. »

Ettore Sottsass, interviewé par Michèle Champenois, Le Monde, 29 août 2005.

« Je pense que la question du design n’advient qu’à partir du moment où l’on décide de faire des objets nouveaux
qui ne sont pas reçus de la tradition et de les socialiser. Pendant des centaines de milliers d’années,
l’homme a fait des objets sans décider de les faire. Il était pris dans des mécanismes traditionnels et quasiment
inconscients de production d’objets, sur lesquels il n’avait pas de réflexion explicite et thématique quant
à leur évolution d’ensemble et quant à leur pratique (les objets étaient les productions et les supports de
pratiques de singularités). Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y avait aucune réflexion. Un artisan qui travaille un
objet réfléchit, mais dans les limites d’un concept qu’il reçoit d’une tradition. Les pratiques s’inventaient au fil
du temps : elles n’étaient pas prescrites par des modes d’emploi ou des campagnes publicitaires, elles-mêmes
préparées par des études de marketing. À partir de la Révolution industrielle, avec l’apparition quotidienne
d’objets nouveaux sur le marché, se pose le problème de leur socialisation, c’est-à-dire de leur adoption par
ce que l’on n’appelle pas encore « le client ». Ce n’est cependant pas encore le design, mais on parle assez tôt
d’art industriel, comme le fait dire Flaubert au sieur Arnoux de L’Éducation sentimentale. Ce n’est qu’à partir
du XXè siècle que l’on va véritablement raisonner en termes de design et instruire une réflexion systématique
sur l’objet, sur son esthétique fonctionnelle et sur son esthétique figurative, pour reprendre deux concepts de
Leroi-Gourhan*. »

Bernard Stiegler, entretien avec Catherine Geel,
« Quand s’usent les usages, un design de la responsabilité ? », Azimut n°24, 2004.

L’EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES EN 1851 ET LE CRYSTAL PALACE

HENRY COLE
RICHARD REDGRAVE
JOURNAL OF DESIGN AND MANUFACTURE

EN ANGLAIS, TO DESIGN, SIGNIFIE CONCEVOIR EN FONCTION D’UN PLAN, D’UNE INTENTION, D’UN DESSEIN.
COLE & REDGRAVE DÉPASSENT LE SENS DU DESIGN EN TANT QU’ACTIVITÉ DE CONCEPTION AU SENS DE L’INGÉNIEUR.
LUI CONFÈRENT (ENTRE AUTRE) UNE DIMENSION ESTHÉTIQUE EN LE DÉFINISSANT COMME
«UNE HARMONIE ENTRE FONCTION, DÉCORATION ET INTELLIGENCE DANS TOUTE LA PRODUCTION INDUSTRIELLE»

L’EXPOSITION UNIVERSELLE DE LONDRES EST ORGANISÉE POUR RÉVÉLER AU RESTE DU MONDE L’AVANCÉE BRITANNIQUE EN LA MATIÈRE. 

L’ÉMERGENCE DE CETTE DÉFINITION S’EXPLIQUE PAR UN CONTEXTE GLOBAL
LA RÉVOLUTION INDUSTRIELLE
ET UN CONTEXTE SPÉCIFIQUE À L’ANGLETERRE

AFIN D’AMÉLIORER LA RÉFLEXION SUR LA FORME DES OBJETS INDUSTRIELS, HENRY COLE CRÉE LE JOURNAL OF DESIGN AND MANUFACTURE EN 1849.

PENDANT SES 3 ANNÉES D’EXISTENCE, LA REVUE CHERCHE À CONTRER L’HISTORICISME ÉCLECTIQUE ET L’AGITATION VISUELLE QUI CARACTÉRISE LA PLUPART DES PRODUCTIONS BRITANNIQUES.
DANS CETTE REVUE EST ÉNONCÉE, POUR LA PREMIÈRE FOIS, UNE DÉFINITION MODERNE DU DESIGN
« harmonie entre fonction, décoration et intelligence dans toute la production industrielle ».